Mis à part quelques mécènes engagés de longue date en faveur de la création, peu d’initiatives sont apparues depuis 2003. Mais l’assouplissement de certaines conditions devrait favoriser les collections d’entreprise.
S'il est un secteur qui requiert l’intervention de bienfaiteurs, c’est logiquement celui de l’art d’aujourd’hui. L’histoire a en effet toujours retenu les noms des protecteurs des arts, capables d’apporter leur soutien financier aux artistes de leur temps. Mais, dans le cas français, il semble que l’art vivant peine encore à attirer les grands mécènes – à de rares exceptions près, comme l’illustrent les organismes désormais tutélaires, la Fondation Cartier pour l’art contemporain et l’Espace Paul-Ricard, à Paris. Même les expositions des plus prestigieux organisateurs peinent encore à drainer quelques subsides privés, dès lors qu’il s’agit d’art contemporain.
Est-ce à dire que le monde de l’entreprise serait revêche aux valeurs de créativité véhiculées par l’art contemporain ? Quelques événements de l’année tendent à démontrer l’inverse. Traditionnellement soutenue par de nombreux partenaires privés, attirés par sa médiatisation et son impact auprès des catégories à hauts revenus, la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) a été cette année le théâtre d’une opération qui a permis à Citroën de décrocher le très prisé Grand Prix de la communication événementielle (lancement de son nouveau modèle dans le cadre de l’exposition « La DS est une œuvre d’art »). La FIAC étant une manifestation marchande, personne ne s’offusquera qu’elle soit un vecteur de communication pour ses généreux parrains. Mais sponsoring n’est pas mécénat, l’un relevant d’une démarche commerciale, l’autre de la seule volonté de servir l’intérêt général. Pourtant, une confusion entre ces deux modes de financement est pleinement assumée au Palais de Tokyo, à Paris, qui, statutairement, doit se procurer près de 30 % de son budget par des ressources propres. « Nous défendons cette idée d’un équilibre entre le public et le privé », souligne Sofianne Le Bourhis, sa directrice de la communication et des partenariats. En 2005, après quelques années de rodage, les entreprises ont été au rendez-vous. « Nous avons travaillé à la revalorisation de notre image en mettant en valeur la notion d’émergence artistique, qui entre en résonance avec l’idée d’émergence économique à laquelle sont sensibles les entreprises », ajoute Sofianne Le Bourhis. Le Palais de Tokyo revendique donc cette volonté d’ancrage de l’artiste dans la société par le biais de ces liens avec le monde de l’entreprise.
Déduction fiscale
Quid d’un mécénat désintéressé, orienté vers le seul soutien à la création ? Plus consensuelle, la photographie semble attirer davantage les bienfaiteurs. Plusieurs grandes entreprises se sont ainsi installées sur le créneau, comme les filiales françaises de la banque néerlandaise de Neuflize (groupe ABN AMRO) – partenaire principal du Jeu de paume et de la Maison européenne de la photographie à Paris – et de la banque HSBC, qui financent des prix annuels. L’entreprise de tabac franco-espagnole Altadis a pour sa part choisi, depuis 2000, de récompenser par un prix de jeunes plasticiens travaillant en France et en Espagne. Une manière de s’ancrer dans la filiation de la fondation de la Seita, disparue lors de la création d’Altadis en 1999.
Lors d’un colloque organisé en juin 2005 sur les liens entre mécénat et management, Yves Evrard, professeur à HEC et spécialiste du sujet, soulignait pourtant que « l’innovation et le goût du risque sont des matières plus individuelles que collectives », constatant que l’engagement d’un entrepreneur en faveur de l’art contemporain est souvent sans coïncidence avec son entreprise. La création des fondations d’entreprise relève en effet de ce type d’initiative personnelle avec, parfois, un souci de congruence. Ainsi de la fondation Colas, créée en 1991 par Alain Dupont, président-directeur général de cette entreprise leader dans la construction des routes, qui réunit aujourd’hui un large ensemble de peintures, fruit de commandes annuelles à des artistes sur le thème… de la route. La législation fiscale incite en effet les entreprises à acquérir des œuvres originales d’artistes vivants, en autorisant la déduction fiscale du prix de l’acquisition. Ce dispositif, existant depuis 1987 mais rénové en 2003, connaissait jusque-là un frein : l’obligation d’exposition publique. Le 10 octobre, lors de son allocution dans le cadre de la FIAC, le Premier ministre s’est engagé à demander une instruction permettant de satisfaire cette condition dès lors que les œuvres seront accessibles aux salariés ou aux clients de l’établissement. Cet assouplissement permettra d’insuffler un nouvel élan aux collections d’entreprises, très développées en Allemagne (la Deutsche Bank possède ainsi un ensemble de plus de 50 000 pièces).
Mécénat de proximité
Mais la loi Aillagon a eu d’ores et déjà des répercussions à une autre échelle, sur des entreprises plus modestes. En 2003, un club d’entreprises locales de la région du Grand Marseille se fédérait
autour d’un projet de mécénat dédié à toutes les formes de la création contemporaine. Et, cette année, ces « Mécènes du Sud » ont distribué quelque 110 000 euros, qui ont notamment permis l’acquisition de deux photographies de Claude Levêque, offertes au Musée d’art contemporain (MAC) de Marseille. Grâce à cet élan, l’art contemporain pourrait faire l’objet, à son tour, d’un mécénat de proximité.
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L’art contemporain en attente
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°228 du 6 janvier 2006, avec le titre suivant : L’art contemporain en attente