Dans le cadre du Festival d’Avignon, du 10 juillet au 2 août, Olivier Py, 32 ans, metteur en scène, auteur et comédien, présente sa dernière création, Le Visage d’Orphée, dans la cour d’Honneur du Palais des Papes. Il y a deux ans, La Servante, représentation de 24 heures, avait créé l’événement en Avignon. Élève de khâgne au lycée Fénelon, Olivier Py rejoint l’École de la Rue Blanche, puis le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Il étudie la théologie à l’Institut catholique, ayant songé un temps à la voie monastique avant de choisir celle du théâtre.
Qu’attendez-vous du nouveau ministre de la Culture, Catherine Trautmann ?
Le théâtre public est entièrement à réformer. Il faut le repenser pour le public et les artistes. Le théâtre public n’arrive plus à produire de poèmes dramatiques forts, civilisants, agressifs, puissants, et d’autre part, il a aussi perdu sa fondation : l’engagement citoyen. Il faut donc espérer que Catherine Trautmann arrivera à donner un grand coup de balai dans une institution qui est devenue la caricature d’elle-même, en nommant des gens jeunes, en coupant les vieilles branches. Il y a une nouvelle génération qui travaille comme moi avec une situation de misère, dans un système extrêmement riche. Une redistribution énorme est à faire. J’espère que Catherine Trautmann ne tombera pas dans le piège socio-culturel, qui trivialise l’aventure artistique, l’outille, et perd tout : le public et le prestige du poème. Catherine Trautmann a de la force politique, c’est une femme que j’admire beaucoup. Je suis certain qu’elle peut faire quelque chose. Elle a une dimension humaine que j’ai pu apprécier notamment dans son engagement pour la Bosnie. C’est une femme forte, courageuse.
Carolyn Carlson vient de créer le ballet "Signes" avec des décors d’Olivier Debré. Envisagez-vous aussi de monter des spectacles avec des plasticiens ?
Non. Le théâtre est déjà en lui-même une passerelle entre plusieurs arts. Je dois cependant avoir l’œil ouvert sur les esthétiques nouvelles. Il n’est pas dit que Boltanski ne puisse pas inspirer un écrivain de théâtre, par exemple. Parce qu’avec Boltanski, il y a tout un courant plastique qui s’est intéressé à la mémoire. En ce moment, les arts plastiques cherchent de plus en plus à sortir de la notion d’objet, allant vers un acte poétique. Nous qui n’avons pas d’objet, qui n’avons qu’une cérémonie, nous avons plutôt essayé, maladroitement, de créer des objets culturels, et c’est tout à fait dommage. Nous devons être fiers de l’immanence de nos œuvres, de leur mort annoncée. C’est une chose que les plasticiens nous envient. Et cela nous donne aussi des rapports à la modernité, à la post-modernité, au classicisme, extrêmement différents. Parce que nous n’avons pas de musée. Nous avons un petit équivalent du musée qui a fait un ravage sur la création théâtrale de ces dernières années : le répertoire. On a fait depuis vingt ans pratiquement essentiellement un théâtre de répertoire. C’est une catastrophe au bout du compte, même pour le répertoire. Parce que l’on ne sait rien des Anciens si l’on n’a pas une pensée ou une énonciation neuve des choses. Par exemple, sans Cézanne, on n’aurait pas connu Chardin. Un effet de perspective nous fait croire que l’un est venu avant l’autre, ce n’est pas vrai. L’idée d’une histoire de l’art n’existe pas avec la notion de progrès. Le progrès en art a toujours été une absurdité, mais étrangement, une absurdité qui a la vie dure.
Quel événement culturel récent vous a le plus marqué ?
J’ai récemment découvert les œuvres de Joël-Peter Witkin, photographe que je ne connaissais pas. Et je crois que cela m’a vraiment changé. Cela a eu une grande influence dans mon travail. C’est le dernier choc artistique que j’ai eu ces derniers temps. J’ai été frappé par l’extrême brutalité de ces photographies, avec une décomposition classique. Le terme même de "beauté désagréable" me plaît énormément. Il y a une férocité dans l’œuvre de Witkin qui est finalement une manière étrange mais véritable, sincère, de dire l’amour de l’homme. De dire encore que l’expérience du corps est à la fois une ignominie et un miracle. La dernière exposition que j’ai vue était celle de Soto, qui m’a relativement surpris. Je crois que tout le monde a eu une image assez fausse de cet artiste. La question de "ce que l’on voit" est époustouflante dans certaines de ses œuvres : qu’est-ce qui est près, qu’est-ce qui est loin, est-ce que la couleur joue sur le "près" et le "loin", qu’est-ce qui est carré, qu’est-ce qui est rond ? Et la notion de "pénétrable" aussi : il y a une théâtralité dans les pénétrables. C’est un artiste que je n’aimais pas du tout en voyant une œuvre isolée, et dans le cadre d’une rétrospective, il m’a beaucoup touché.
Irez-vous aux Rencontres de la Photographie d’Arles quand vous serez à Avignon ?
Non, je n’ai pas quitté mon plateau depuis trois mois et je ne le quitterai pas. Il n’y a plus rien au monde pour moi pendant ce temps-là. Je pense que j’aurai encore quelques semaines d’angoisse, cela peut toujours arriver. Mais je suis serein parce que nous avons eu une avant-première à Orléans qui s’est merveilleusement bien passée. Cela me rend assez confiant sur le lieu : la cour d’Honneur. J’ai l’impression que l’on attend mon travail quelquefois avec agacement, mais malgré tout avec bienveillance. C’est agréable de voir un texte contemporain monté dans la Cour : cela fait quinze ans qu’il n’y en avait pas eu.
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L’actualité vue par Olivier Py, auteur et metteur en scène de théâtre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : L’actualité vue par Olivier Py, auteur et metteur en scène de théâtre