L’ex-président d’Arte et nouveau patron de Piasa, Jérôme Clément, affiche de grandes ambitions pour la maison de ventes parisienne.
Fondateur de la chaîne de télévision culturelle franco-allemande Arte, qu’il préside de 1991 à mars 2011, Jérôme Clément a pris à la fin du mois de mars les rênes de la maison de ventes parisiennes Piasa, dont il est l’un des actionnaires depuis 2008. Collectionneur et amateur d’art, il s’explique sur son nouvel engagement.
Le Jda : Après Arte, vous avez choisi de prendre la présidence d’une maison de ventes aux enchères. Pour quelles raisons ?
Jérôme Clément : Lorsque j’ai décidé de quitter Arte, que j’ai dirigée pendant plus de vingt ans – le combat de ma vie (1) –, j’étais déjà l’un des actionnaires de Piasa depuis 2008. [J’étais] passionné depuis longtemps par le secteur culturel, l’aventure du marché de l’art devenait un prolongement logique. J’ai toujours fréquenté les salles de Drouot, depuis mon enfance avec ma mère. Compte tenu de l’expérience professionnelle qui était la mienne, j’avais de nombreuses opportunités, mais j’ai fait ce choix par goût.
Le Jda : Vous sentez-vous l’âme d’un commerçant ?
J.C. : Cela correspond à des aspirations différentes de celles qui ont été les miennes jusqu’ici, mais c’est un défi qui me passionne.
Le Jda : Quelle ambition avez-vous pour Piasa ? Quelle va être votre stratégie de développement ?
J.C. : Piasa est l’une des plus importantes maisons de ventes et le premier intervenant à Drouot. C’est une maison française de haute qualité, bénéficiant d’une très bonne réputation. Notre groupe de partenaires souhaite conforter cette position tout en la développant. Nous croyons au potentiel de Piasa qui s’attache à offrir à ses clients, vendeurs et acheteurs, des prestations de grande qualité, fondées sur la rigueur, la disponibilité et l’expérience. Le marché de l’art est en pleine ébullition avec l’émergence du marché chinois, la consolidation du marché américain et l’apparition de nombreux acteurs internationaux. Il existe un problème général de positionnement du marché européen dans le marché international, et, à l’intérieur du marché français, une inadaptation de plusieurs dispositions légales aux problèmes d’aujourd’hui et des difficultés propres à Drouot qu’il faut surmonter.
Le Jda : Justement, quel est votre point de vue sur l’affaire des commissionnaires qui secoue l’hôtel des ventes parisien depuis plus d’un an ?
J.C. : La situation nuit indiscutablement à l’image collective. Nous n’avons pas été nous-mêmes victimes de malversations. Les commissaires-priseurs de Piasa et leurs équipes sont extrêmement vigilants et nous assurons à notre clientèle un suivi rigoureux. Au-delà de cette affaire, n’oublions cependant pas les atouts de Drouot.
Le Jda : Envisagez-vous de prendre le contrôle de Drouot, en association avec d’autres maisons de ventes ?
J.C. : Nous ne sommes pas dans cette logique, mais nous voulons jouer notre rôle pour améliorer l’outil commun qu’est Drouot.
Le Jda : Revenons au positionnement de Piasa…
J.C. : Piasa fait partie des quatre premières maisons de ventes en France et nous pouvons encore améliorer nos performances. Notre maison est saine, 2010 a été une bonne année. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros, en augmentation de 37,6 % par rapport à l’année précédente. Nous devons trouver un équilibre entre nos points forts (les estampes, les tableaux et objets d’art ancien et moderne, les dessins, la haute époque, les livres, les manuscrits, notamment) et des secteurs à développer (l’art contemporain, le design, les bijoux). Pour atteindre notre objectif, nous devons développer notre dynamique commerciale, tant sur le plan national qu’international, et optimiser notre système de gestion. Une priorité pour nous est l’art moderne et contemporain. Nous avons une bonne équipe parfaitement dirigée par Alain Cadiou, directeur général depuis dix-huit mois.
Le Jda : La dispersion de la collection de la galerie Fabius Frères aura lieu chez Sotheby’s, à Paris en octobre, en association avec Piasa. Cette vente estimée 9 à 14 millions d’euros laisse penser que Piasa n’a pas les reins assez solides pour la porter à l’international…
J.C. : Votre interprétation n’est pas la bonne. Armelle Fabius, veuve de François [antiquaire] et propriétaire avec ses filles de cette magnifique collection, a choisi Sotheby’s et Piasa. La dimension internationale de Sotheby’s facilitera l’exposition de la collection à Londres, Monaco, New York et Hongkong. Armelle Fabius souhaitait également faire appel à une grande maison française – donc Piasa. Nous entretenons d’excellentes relations avec Guillaume Cerutti. Je rappelle aussi que Piasa a organisé seule et avec beaucoup de succès la très médiatique vente de la succession Dora Maar en 1998 [34 millions d’euros] ou, l’an dernier, la vente de la collection Carasso [9,1 millions d’euros].
Le Jda : Qu’attendez-vous de la proposition de loi de libéralisation des ventes aux enchères publiques ?
J.C. : Elle ouvre la possibilité aux maisons de ventes de pratiquer des ventes de gré à gré. Nous avons des demandes de clients pour ce type de transactions. Nous réfléchissons à la création d’un département spécifique.
Le Jda : Quel est votre avis sur le sabordage du Conseil de la création artistique [créé autour de Marin Karmitz] ?
J.C. : Je ne suis pas surpris d’un tel dénouement, même si l’idée était au départ originale. Il y a un vrai problème de définition de l’action du ministère de la Culture. C’était autrefois un ministère d’administration et de gestion ; il a beaucoup évolué avec la création des établissements publics disposant d’une grande autonomie. L’avenir me semble plutôt à un ministère « d’impulsion » .
Le Jda : Que pensez-vous de la polémique autour du départ d’Olivier Kaeppelin [lire le JdA no 347, 13 mai 2011] et du mode de soutien des artistes français ?
J.C. : Je suis évidemment favorable à un soutien actif des artistes français. Nous avons besoin d’une politique volontariste. Nos artistes ne sont pas inférieurs aux artistes américains, même si les prix sont très différents. Ne tombons pas dans un chauvinisme stupide, mais défendons pleinement notre création.
Le Jda : En quoi a consisté votre rôle dans le comité « Festival Normandie impressionniste » ?
J.C. : J’ai présidé le conseil scientifique pour l’édition 2010, qui a été un énorme succès. Pour l’édition 2013 (l’événement se tient tous les trois ans), il est prévu que j’en sois le commissaire général, sur le magnifique thème de l’eau. Pierre Bergé reste à la tête de l’association, un GIP [groupement d’intérêt public]. Il a été très efficace en 2010.
Le Jda : En tant que collectionneur, quels ont été vos derniers achats ?
J.C. : J’achète au coup de cœur. Ma dernière acquisition est une aquarelle de Foujita représentant une danseuse, que j’ai achetée à la salle des ventes de Saumur, près de ma maison de campagne. J’achète à des prix raisonnables. En art contemporain, avec un groupe d’amis réunis au sein de l’association « Honoré 91 », nous avons récemment acheté des sculptures de Riba dans son atelier, des œuvres du sculpteur Étienne Viard à la galerie Berthet-Aittouarès, une sculpture de Robert Couturier en vente publique, mais aussi des photos dans des galeries ou des salons. À titre personnel, je m’intéresse beaucoup à l’art contemporain et j’aime discuter avec les artistes. Je suis, par exemple, très lié avec [Jean-Michel] Alberola, Ernest Pignon-Ernest et [Henri] Cueco.
Le Jda : Quelle exposition vous a récemment marqué ?
J.C. : Les sculptures de Miró au Musée Maillol (2). Un ensemble inégal, mais la vidéo du sous-sol était particulièrement intéressante. J’ai aussi été emporté par la rétrospective « Manet » au Musée d’Orsay (3). Je pense notamment aux quatre portraits de Berthe Morisot que l’on ne verra sans doute plus ensemble.
(1) Le Choix d’Arte, Jérôme Clément, éd. Grasset, 2011
(2) jusqu’au 31 juillet.
(3) jusqu’au 2 juillet.
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L'actualité vue par Jérôme Clément, président de la maison de ventes Piasa
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : L'actualité vue par Jérôme Clément, président de la maison de ventes Piasa