Ancien ministre de l’Éducation nationale et de la Culture, député et maire de Blois, Jack Lang est aujourd’hui président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Il commente l’actualité.
Faut-il réformer la politique culturelle de la France vers l’étranger ?
J’ai confié au député de Meurthe-et-Moselle, Jean-Yves Le Déaut, une mission d’enquête sur la politique culturelle extérieure, qui mérite d’être modernisée et réadaptée. Il faudra avoir le courage d’élaguer ici, de renforcer là, de changer de méthode pour assouplir une gestion qui doit être plus proche de la réalité de chaque pays, plus efficace et plus rapide. Même si des assouplissements ont été décidés pour l’enseignement, notre système est encore trop jacobin, centralisé, administratif. La commission a également confié une mission à Yvette Roudy sur la francophonie, domaine où il faut cesser de nous payer de mots et entreprendre un renouveau des actions.
Vous défendez le projet d’une Fédération européenne et d’un exécutif européen.
La culture, l’éducation, la recherche, tout ce qui concerne l’intelligence et l’innovation doit non seulement faire partie pleinement des compétences de l’Union européenne mais surtout bénéficier de soutiens politiques et budgétaires. Si l’on veut donner à l’Union européenne un souffle nouveau, il est primordial que l’investissement intellectuel soit au premier plan. Il faut reprendre une attitude d’esprit consistant, chaque fois qu’un projet est mis en œuvre, se demander comment l’on peut par un acte unilatéral ou par une coopération avec des pays lui donner aussitôt une coloration européenne. Indépendamment d’une révision du traité que j’appelle de mes vœux, des initiatives fortes pourraient être déjà prises. Ainsi, il faut créer une véritable université européenne, les écoles d’art doivent s’européaniser à travers des accords bilatéraux ou des jumelages entre villes. Même attitude à observer pour les musées, le patrimoine, le théâtre, le cinéma, l’enseignement…
En matière de TVA, seul le livre bénéficie d’un taux réduit. Êtes-vous favorable à une extension de ce taux à tous les biens culturels ?
J’y suis naturellement favorable, mais on ne peut pas le faire unilatéralement, il faut obtenir l’unanimité. Jusqu’à présent, l’affaire a été prise du très mauvais côté. Le ministre du moment, pour tenter de séduire une population culturelle X ou Y, a prétendu changer le taux de la TVA un jour sur le disque, un autre sur ceci ou cela… Nous n’obtiendrons un résultat que si le problème global de l’harmonisation fiscale est posé au plus haut niveau des États. L’harmonisation fiscale en matière de culture est une exigence absolue aujourd’hui.
Si cette extension se révèle impossible, ne faudrait-il pas au moins parvenir à une baisse pour l’art contemporain afin de favoriser la création ?
Ce ne serait pas si mal, mais il y aura des protestations dans les autres secteurs et, je le répète, il faut traiter la question globalement. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que cela soit toujours aussi vital qu’on le prétend. Ne considérer que le taux de TVA, c’est prendre le problème par le petit bout, alors qu’il y a d’autres problèmes à régler.
L’Union européenne impose l’ouverture du marché français des ventes publiques aux sociétés étrangères. Que pensez-vous du projet de loi préparé par l’ancien gouvernement ?
Hormis des tergiversations engendrées par des rapports successifs de comités ou de commissions, rien n’a été fait pour préparer le changement, et nous sommes dans la panade. C’est une illustration flagrante des méthodes des gouvernements qui se sont succédé depuis quatre ans : des annonces non suivies d’effets. Le 1er janvier, les commissaires-priseurs seront soumis à la très forte concurrence de sociétés cotées en bourse. Quand j’ai quitté le gouvernement, je pensais qu’il était urgent de changer le statut des commissaires-priseurs afin, notamment, qu’ils puissent entrer dans des sociétés de capitaux privés.
Le financement d’une partie de l’indemnisation des commissaires-priseurs par le budget de l’État suscite des réactions hostiles.
Cela va coûter très cher, et le budget de l’État est dans une moins bonne posture qu’il y a quatre ans. Cela fait partie des chèques sans provision que les ministres successifs ont signés depuis quatre ans. Je ne suis pas sûr qu’il soit juste de financer cette indemnisation par le budget de l’État. Mais je n’ai pas la solution technique en tête et je ne veux pas improviser. Il faut surtout en finir avec le bla bla bla et prendre très vite la situation à bras le corps.
Les 20 et 21 septembre se tiennent les 14e Journées du patrimoine que vous avez créées. Que pensez-vous de la Fondation du patrimoine ?
On ne peut pas être contre, l’idée n’est pas mauvaise. Elle est née il y a plus de quatre ans, et aujourd’hui elle dispose de fonds infimes… C’est donc plus une intention qu’une réalité. Le patrimoine non protégé mérite un soutien ; j’avais du reste renforcé d’année en année une ligne budgétaire dans ce but qui, étrangement, a baissé ! Et ne parlons pas des crédits en faveur du patrimoine protégé, qui ont subi une hémorragie effrayante.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’actualité vue par Jack Lang
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°43 du 12 septembre 1997, avec le titre suivant : L’actualité vue par Jack Lang