Hervé Aaron vient d’être élu au conseil d’administration du Syndicat national des antiquaires où il occupe le siège de son père qui a choisi de se retirer. Il participe à la commission communication
aux côtés de Dominique Chevalier, François Lorenceau, Sabine Bourgey
et Jean Gismondi. Il commente l’actualité.
Quelles sont, selon vous, les conséquences du nouveau report de l’examen par le Parlement du projet de loi réformant les ventes publiques ?
Ces reports successifs sont très dommageables car ils empêchent que les règles du jeu puissent être établies de manière saine. Le vote de la loi devrait clarifier la situation en permettant aux commissaires-priseurs français de trouver leur vraie place et aux marchands d’asseoir leur spécificité. La possibilité qui sera offerte à Christie’s et Sotheby’s de vendre en France devrait redynamiser le marché parisien, lui permettre de reprendre à Londres la place de numéro 2 mondial qui lui revient. Paris devrait être la première place mondiale pour les meubles français et les maîtres anciens. Ayant vécu dix-huit ans aux États-Unis, je suis néanmoins tout à fait conscient du travail de laminage accompli par les auctioneers aux dépens des marchands. Le report d’un an me réjouit d’une certaine manière car on va pouvoir continuer de trouver à Drouot des objets moins bien catalogués. L’organisation un peu vétuste de Drouot constitue en effet un avantage pour les professionnels, qui parviennent plus facilement à dénicher des objets.
Que représente pour vous l’installation de Christie’s dans de nouveaux locaux au Rockefeller Center ?
Ces nouvelles installations gigantesques et très bien placées vont permettre à Christie’s d’être encore plus efficace. Le lieu n’est pourtant pas commercialement vivant ; il ressemble à des bureaux. Alfred Taubmann – le propriétaire de Sotheby’s qui construisait auparavant des centres commerciaux – devrait avoir une vision plus marchande pour ses nouveaux locaux actuellement en travaux. Sotheby’s est en train d’agrandir ses bureaux et prévoit d’occuper six étages qu’il aménage au-dessus de ses locaux actuels. Il disposera ainsi, à la fin de l’année prochaine, de 40 000 m2 à Manhattan, une surface équivalente à celle de Christie’s.
Que vous inspire la polémique, et le procès, portant sur les conditions de la découverte de la grotte Chauvet ?
L’État, en France, a toujours tendance à étouffer l’esprit d’entreprise et les initiatives individuelles. Quand on découvre un trésor dans un océan, on a droit à la moitié des profits. Le système devrait être le même dans le cas de la grotte Chauvet. Il n’y a pas de raison que Jean-Marie Chauvet soit lésé par l’État.
Et le procès Wildenstein-Feliciano ?
Il est difficile de donner un avis alors que le procès est en cours, d’autant plus qu’il s’agit d’un confrère et que les preuves manquent. Il y a évidemment de nombreuses zones obscures dans le marché de l’art parisien des années d’occupation. Il serait souhaitable que, comme dans les milieux de la banque et de l’assurance, on fasse le jour sur certaines pratiques contestables.
Quel regard portez-vous sur les résultats spectaculaires enregistrés lors des ventes de mobilier XVIIIe des collections Rossi et Alexander ?
La vente Rossi a représenté un extraordinaire travail de marketing. Rossi était un bon antiquaire, mais non un grand antiquaire. Il achetait beaucoup et gardait tout. Ses meubles, souvent fortement restaurés, étaient de qualité très inégale. La vigueur du marché et l’admirable présentation des pièces en vente ont permis à Sotheby’s d’enregistrer des enchères très élevées. La vente Alexander chez Christie’s, qui a elle aussi bénéficié d’une très belle promotion, était constituée en majorité d’objets de très grande qualité qui n’avaient pas été vus sur le marché depuis de nombreuses années. Le marché new-yorkais est phénoménal. Chaque année se créent de nouvelles fortunes dans les produits financiers et les nouvelles technologies. J’ai rencontré récemment à New York un particulier qui collectionne depuis très peu de temps le mobilier français XVIIIe. Il venait d’acheter une paire d’appliques pour 700 000 dollars. Peut-être n’est-on pas loin de l’inflation des prix que l’on a connue à la fin des années quatre-vingt ?
Quelles expositions récentes vous ont particulièrement marqué ?
“Les bronzes de la Couronne”, au Louvre, est remarquable car elle permet à l’œil de se former. Elle comprend des pièces – des bronzes de l’Antiquité, du XVIIe et du XVIIIe siècle, tous d’une qualité époustouflante – qui ont été rassemblés par Louis XIV et son entourage. “L’Art égyptien au temps des pyramides” est aussi extraordinaire. On s’imagine un art fort et sobre en oubliant que la plupart de ces statues, en marbre ou en argile, étaient peintes. Les portraits des pharaons des trois et quatre premières dynasties sont également d’une force fantastique. La première grande salle de l’étage est admirablement conçue, contrairement aux autres qui sont beaucoup moins réussies. L’exposition “Maroc, les Trésors du Royaume”, mise en scène par Jacques Grange, comporte une salle exceptionnelle consacrée aux bronzes romains ; le reste a moins d’intérêt.
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L’actualité vue par Hervé Aaron
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°84 du 28 mai 1999, avec le titre suivant : L’actualité vue par Hervé Aaron