Beatrice Merz et Andrea Bellini incarnent la nouvelle direction bicéphale du Castello di Rivoli, à Turin.
À l’issue d’une longue et complexe phase de recrutement d’un nouveau directeur, ouverte à des conseillers et des conservateurs internationaux et relevée d’un soupçon de polémique, le Musée d’art contemporain du Castello di Rivoli, à Turin, a finalement jeté son dévolu sur le tandem Andrea Bellini et Beatrice Merz. Ce duo succède au trio Carolyn Christov-Bakargiev, Rudi Fuchs et Ida Gianelli. La région du Piémont (dont Turin est la capitale), partenaire de poids, ayant exigé du Castello une plus grande visibilité, le « nouveau » musée d’art contemporain est en gestation. Andrea Bellini et Beatrice Merz commentent l’actualité.
Quelles sont les grandes lignes de votre projet ? Y a-t-il eu des modifications substantielles avec celui présenté par Andrea Bellini durant la phase de sélection ?
Beatrice Merz (B. M.) : Pour l’instant, notre méthode de travail est d’intégrer, à la grille du projet déjà présentée, des détails supplémentaires, des approfondissements et des contenus que nous nous soumettons l’un à l’autre.
Andrea Bellini (A. B.) : Ensemble, nous sommes en train de développer le programme des trois prochaines années, selon les lignes du projet que j’ai présenté. Le résultat sera une synthèse de nos différentes sensibilités. Bien articulé, il inclura évidemment la programmation, un nouveau plan de communication, un programme relatif aux événements dans et en dehors du musée, et une série d’initiatives à long terme, telle la constitution des archives de l’Arte povera.
Comment envisagez-vous la participation du Castello di Rivoli aux célébrations du 150e anniversaire de l’unification de l’Italie, en 2011 ?
A. B. et B. M. : Nous avons un projet précis pour 2011. Toutefois, nous devons encore vérifier s’il est compatible avec les autres rendez-vous programmés, comme la troisième édition de la Triennale de Turin et l’exposition sur l’Arte povera organisée par [le critique d’art] Germano Celant, laquelle doit aussi se tenir dans la ville de Venaria Reale et aux OGR [espace d’exposition turinois].
On a beaucoup parlé d’une éventuelle répartition des rôles et des compétences. Les expositions et les activités liées aux collections vous reviendraient, Andrea Bellini. Avez-vous défini vos rôles ?
A. B. : En principe, je m’occuperai des expositions et des activités, et Beatrice de la collection et d’autres choses. Mais je voudrais préciser que toutes les décisions seront prises de manière collégiale. Nous souhaitons répartir les rôles pour être plus incisifs et rapides, mais nous ne réfléchissons pas selon des cases figées.
B. M. : Nos expériences nous poussent automatiquement à nous recentrer et à nous occuper de secteurs bien définis. Je m’occuperai plus particulièrement du raccrochage et de l’animation de la collection, ainsi que de la ligne éditoriale, mais le projet scientifique dans son ensemble est collégial.
Le conseil du musée a expressément requis de la nouvelle direction un plan détaillé de levée de fonds. Sur quel budget pouvez-vous vous appuyer ?
A. B. et B. M. : Le budget pour les activités n’est malheureusement pas très élevé. Du coup, nous devons trouver de nouveaux financements. C’est aussi cela le travail d’un directeur du musée. À l’étranger, nos collègues passent la plupart de leur temps à rechercher des financements.
Andrea Bellini, vous êtes journaliste, conservateur et directeur de la foire Artissima ; Beatrice Merz, vous êtes la présidente de la Fondation Mario Merz : comment allez-vous utiliser vos expériences professionnelles ?
A. B. : Bien entendu, nous portons en nous toute notre histoire. L’idée d’avoir tout ce bagage me plaît. Cela peut être la valeur ajoutée à cette direction couplée.
B. M. : Je crois que nos différentes expériences doivent s’additionner pour produire de l’énergie. Chacun de nous peut être la valeur ajoutée de l’autre.
Andrea Bellini, quel bilan tirez-vous des trois années passées à la tête d’Artissima ? Dans quel état se trouvait-elle lorsque vous l’avez rejointe ? Où en est-elle aujourd’hui ?
A. B. : À l’étranger, tout le monde parle d’Artissima comme de l’un des événements les plus originaux et les plus intéressants en Europe. J’ai l’impression de quitter une foire forte d’une physionomie bien précise et au prestige international croissant. Je crois que, avec le nouveau directeur, Francesco Manacorda, toutes sortes de collaboration seront possibles : l’entente entre nous est excellente.
Beatrice Merz, quelles sont les expériences, au cours de votre carrière et en particulier à la présidence de la Fondation Merz, qui vous semblent utiles pour votre rôle à Rivoli ?
B. M. : Avoir dirigé une maison d’édition spécialisée en art contemporain pendant plus de vingt ans [éditions Hopefulmonster], puis avoir fondé et présidé la Fondation Merz [en hommage à son père] qui compte cinq ans d’activités et d’expositions à son actif, tout cela m’a permis d’accumuler une grande expérience en termes de gestion et d’organisation. De plus, j’ai travaillé avec de nombreux artistes, conservateurs et historiens de l’art de toutes les générations ; des contacts et des relations précieuses qui m’ont beaucoup appris.
Quelles sont vos expériences spécifiquement « locales » et « globales », pour reprendre les termes utilisés par le président du Castello di Rivoli, Giovanni Minoli ?
A. B. et B. M. : « Local » et « global » sont seulement des slogans, et en tant que tels ils n’ont aucun impact. Nous avons, entre nous, des expériences internationales, et heureusement nous connaissons tous les deux le terrain sur lequel nous opérons.
Andrea Bellini, quelle a été votre impression lors de votre rencontre avec Jens Hoffmann (directeur du CCA Wattis Institute for Contemporary Arts, à San Francisco), au moment où une direction conjointe avec lui était envisagée ?
A. B. : J’ai eu la sensation que la direction à deux têtes peut représenter, dans certains cas, un grand risque.
Beatrice Merz, vous faisiez partie du groupe de « sages » auquel on avait demandé conseil pour établir la fameuse liste de possibles nouveaux directeurs. Quels noms avez-vous suggéré ?
B. M. : Les autres « sages » et moi-même avons reçu des instructions pour maintenir le plus grand secret autour de ces noms et de la liste dans son ensemble, par respect pour les candidats.
Que pensez-vous garder des gestions précédentes ? Quelle est, en revanche, votre marge de manœuvre pour renouveler le rôle et la perception complexe du Castello di Rivoli ?
A. B. et B. M. : Rivoli a une histoire extraordinaire qu’il faut protéger et sauvegarder dans la mesure où elle représente l’image même du musée. Cela dit, nous pensons également qu’il y a de la marge pour renforcer son prestige au niveau local et international, du point de vue de l’activité générale du musée comme du point de vue de la programmation.
Prévoyez-vous des collaborations avec des conservateurs, des institutions ou des artistes italiens et internationaux ? Qu’êtes-vous en mesure d’annoncer ?
A. B. et B. M. : Bien entendu, notre projet prévoit des collaborations avec différents acteurs internationaux. Dès que nous aurons défini les détails, nous pourrons communiquer des noms. 2010 sera de toute façon une année de transition, très difficile d’un point de vue logistique. Nous n’avons trouvé aucune exposition au programme : nous devons donc agir rapidement.
Quelle serait la grande rétrospective de vos rêves ? Quel serait votre premier hommage à une grande figure de l’art contemporain ? Quel jeune artiste n’ayant jamais figuré à Rivoli souhaiteriez-vous exposer ?
A. B. et B. M. : Il y a beaucoup d’artistes que nous aimerions voir à Rivoli, aussi bien des figures confirmées, de stature internationale, que des plus jeunes. Plutôt que de donner des noms, nous pouvons déjà vous dire que nous avons la ferme intention de travailler avec elles dans l’élaboration des expositions, comme dans le réaménagement de la collection. Le rapport direct avec les artistes, qui seront impliqués dans l’activité complexe du musée, sera fondamental à la construction d’une nouvelle identité pour le musée.
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L'actualité vue par Andrea Bellini et Beatrice Merz, nouveaux codirecteurs du Castello di Rivoli
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°320 du 5 mars 2010, avec le titre suivant : L'actualité vue par Andrea Bellini et Beatrice Merz, nouveaux codirecteurs du Castello di Rivoli