SAINT-PÉTERSBOURG / RUSSIE
SAINT-PÉTERSBOURG (RUSSIE) [20.07.15] – Piotr Pavlensky a comparu libre mercredi dernier devant un tribunal de Saint-Pétersbourg. Il est lui est reproché une performance reconstituant le soulèvement de Maïdan en Ukraine.
Le procès de Piotr Pavlensky, élu artiste de l’année 2013 par les critiques russes, a débuté mercredi 15 juillet à Saint-Pétersbourg. Réputé pour des performances extrêmes qui l’ont fait connaître bien au-delà du cercle de l’art contemporain, Pavlensky risque jusqu’à trois ans de colonie pénitentiaire. Il est accusé de vandalisme pour une performance intitulée Liberté réalisant les plus sombres cauchemars de Vladimir Poutine : une reconstitution de Maïdan (le soulèvement qui a conduit à l’éviction du président ukrainien en février 2014) sur le petit pont menant à la majestueuse cathédrale de Saint-Pétersbourg. Pneus brûlés, barricade, drapeaux ukrainiens, tambourinement de bâtons sur des tôles, l’atmosphère de Maïdan fut scrupuleusement reconstituée dans la capitale des Tsars et ville natale du président russe.
Lors de l’audience de mercredi, la juge a commencé par interroger Pavlensky sur son lieu de travail. « Je fais de la propagande politique », répond l’intéressé. Puis il demande qu’un troisième avocat soit ajouté à sa défense : Pavel Yasman, le premier enquêteur chargé de l’affaire. Après avoir refusé l’ordre de sa hiérarchie de « charger la barque » de Pavlensky afin qu’il soit emprisonné, Pavel Yasman avait été déchargé de l’affaire et avait démissionné de la police. Sa requête rejetée par la juge, Pavlensky annonce une « règle du silence » et s’enferme aussitôt dans un mutisme complet jusqu’à la fin de l’audience.
L’actionniste paraît décidé à transformer chacun de ses contacts avec l’autorité publique en performance. L’année dernière, il a publié sous forme de pièce l’un des interrogatoires qu’il a subi dans le cadre de l’enquête. Démarrant son argumentaire par le déboulonnage de la colonne Vendôme par Gustave Courbet, Pavlensky renverse l’interrogatoire, qui prend un tour cocasse lorsque le policier tente laborieusement de démontrer à Pavlensky qu’il est lui aussi devenu un artiste actionniste. Ce policier, qui n’est autre que Pavel Yasman, finira par se défroquer et passer du côté de l’artiste.
Pavlensky s’est rendu célèbre en 2012 en se cousant les lèvres devant la cathédrale Notre-Dame-de-Kazan de Saint-Pétersbourg en signe de solidarité avec les trois membres de Pussy Riot emprisonnées pour leur performance anti-Poutine dans une cathédrale moscovite. L’année suivante, il s’enroule nu dans du fil barbelé pour une performance intitulée Carcasse, protestation contre la persécution des dissidents. En février 2014, il se cloue le scrotum aux pavés de la Place Rouge à Moscou, exprimant ainsi son dégoût pour l’apathie politique de la société russe, que le pouvoir « tient par les couilles ».
« Aujourd’hui, je sens un vrai soutien de la communauté artistique », a déclaré Pavlensky au Journal des Arts. Déterminé à poursuivre ses performances, il s’insurge contre un « pouvoir qui fomente la haine et la guerre entre les peuples avec l’arme de la propagande ». Insoumis, il choisit comme théâtre de ses créations « les lieux symboliques du pouvoir totalitaire ». Pavlensky ne se laisse pas intimider par la perspective d’une incarcération. « La police m’a interdit il y a un an de sortir de Saint-Pétersbourg, mais je m’en moque, je voyage comme je l’entends et ne me plierai à aucun de leurs ordres. L’objectif du pouvoir est de contraindre les dissidents au silence ou à l’exil. Il préfère que l’opposant se liquide lui-même. Cela ne fonctionnera pas avec moi ». Le prochain passage de Pavlensky devant le juge est prévu pour le 16 septembre.
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L’actionniste russe Pavlensky jugé pour vandalisme
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Abonnez-vous dès 1 €Piotr Pavlensky, Carcasse (2012)