L’arrivée du Centre Pompidou-Metz fait l’objet d’un consensus auprès des acteurs locaux. Pour les directeurs de structures voisines, le Centre sera un moteur de développement.
Avec plus de 200 000 visiteurs annuels espérés, le nouveau Centre Pompidou-Metz (CPM) sera-t-il le moteur espéré du tourisme culturel lorrain ? Toutes bannières politiques confondues, les collectivités locales misent sur ce nouvel équipement pour doper la fréquentation de la seizième région touristique de France. Et pour cause : elles financent le musée, pour sa construction (72 millions d’euros) mais aussi pour son fonctionnement, chiffré pour la première année à 10 millions d’euros.
Un levier pour l’art contemporain
Cette première antenne décentralisée d’un musée parisien, qui parie sur l’événementiel et l’organisation de grandes expositions temporaires puisant dans les collections du Musée national d’art moderne, se trouve donc désormais placée au cœur de la stratégie de développement économique lorrain. Mais le CPM induira-t-il des retombées positives pour les autres musées de la région ? À en croire les acteurs locaux, réunis dans un concert de louanges, le CPM serait un moteur formidable pour leurs établissements.
L’annonce du projet, en 2003, en avait pourtant fait blêmir plus d’un. « Tous les musées ont connu émotion et frémissement, mais après quelques interrogations, nous sommes rassurés », précise Philippe Bata, directeur du Musée départemental d’art ancien et contemporain d’Épinal (Vosges).
Son institution, qui accueille 20 000 visiteurs par an, conserve l’une des principales collections d’art contemporain de la région, avec celle du Fonds régional d’art contemporain Lorraine installé à Metz, et travaille donc sur le même terrain. « Le Centre Pompidou-Metz n’est pas un mastodonte qui va transfigurer le paysage sans tenir compte de l’environnement, poursuit Philippe Bata. Il sera au contraire un levier pour l’art contemporain, qui a toujours une position ambivalente dans les projets culturels des politiques. » Des fils auraient ainsi déjà été tissés entre les deux musées. Philippe Bata fait toutefois preuve de pragmatisme : « Le Centre Pompidou-Metz sera très exigeant en termes d’événementiel, il aura donc besoin de s’appuyer sur les ressources locales. C’est une force d’appui pour améliorer la position de l’art contemporain dans la région. »
Mais avec un objectif de fréquentation très ambitieux, le CPM pourra-t-il se permettre de présenter des expositions pointues d’art contemporain, sachant que le public se déplacera toujours davantage pour les valeurs sûres de l’art moderne ? Aux musées de la Cour d’Or, à Metz, l’attente porte plutôt sur le changement d’image de la ville, souffrant d’une identité culturelle très terne. « Notre musée est d’abord lié à l’évocation du patrimoine messin, explique Anne Adrian, conservatrice. Le visiteur pourra y trouver une forme de complément. Tout l’enjeu est d’arriver à attirer le visiteur vers ce patrimoine. » Car il faudra que les clients du CPM, situé à deux pas de la gare TGV, ne se contentent pas d’un petit tour au nouveau musée et se rendent en centre-ville.
L’arrivée du paquebot décentralisé a eu un premier effet positif pour les musées de la Cour d’Or, qui vont bénéficier de quelques travaux de rafraîchissement, l’accueil et la signalétique devant faire l’objet d’une refonte.
Révision de programme
Mais ceux qui ont le plus à perdre avec l’arrivée du CPM sont sans doute les musées de Nancy. La rivale lorraine, qui a toujours joui d’une solide image culturelle grâce à ses trois excellents musées, pourrait pâtir de cette nouvelle concurrence régionale. Officiellement, le maire de Nancy, André Rossinot, qui préside l’association du Sillon lorrain chargée de promouvoir des coopérations entre Thionville, Metz, Nancy et Épinal, affirme que le « Centre Pompidou-Metz sera un atout pour Nancy, qui devrait bénéficier d’un essor du tourisme culturel urbain grâce au TGV ». L’office de tourisme a ainsi été restructuré pour promouvoir cette offre.
Mais en coulisse, la riposte tente de s’organiser. Fort du succès de la thématique consacrée au Siècle des lumières, en 2005, la cité se prépare déjà à accueillir un nouvel événement, baptisé « Nancy – Renaissance 2012 », destiné à maintenir sa visibilité culturelle. Et pour faire montre des bonnes relations existantes, Laurent Le Bon, le directeur du CPM, est aussi membre du conseil scientifique de la manifestation.
Très courtisé, il fait désormais figure, en talentueux prosélyte du projet, de personnalité incontournable de la région. À ce titre, la manifestation de préfiguration « Constellation » (2009) a démontré sa capacité à fédérer habilement les institutions locales. Pour le futur CPM, cet objectif était une priorité. Car l’étude marketing lancée afin de mesurer le potentiel culturel du projet mais aussi son impact touristique a produit des résultats inattendus, obligeant à revoir la stratégie initiale. Cet audit a en effet montré que la fréquentation de visiteurs provenant d’autres régions et de l’étranger, malgré l’effet positif de la nouvelle desserte TGV, serait limitée.
La proximité géographique de la Grande Région (Sarre, Lorraine, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat, Wallonie, Communauté française et germanophone de Belgique) avait pourtant été vantée. L’exemple, proche géographiquement, du Mudam de Luxembourg, annoncé comme un lieu essentiel pour l’art contemporain et qui n’a attiré que 50 000 visiteurs en 2009, a aussi compté. D’où l’impérieuse nécessité de travailler sur le terrain régional, en s’ouvrant aux publics et aux acteurs locaux identifiés. D’autant que, pour l’heure, le Centre Pompidou-Metz a les coudées franches. Séduits par l’attrait touristique et politique d’un projet susceptible d’embellir l’image de la Lorraine, les élus ne se sont guère intéressés à la question du contenu culturel.
Mais les choses pourraient changer si la fréquentation n’était pas au rendez-vous. Politiquement, il était impossible de serrer la vis aux autres institutions au moment de l’ouverture du CPM. Mais après la fête, le réveil pourrait se révéler difficile.
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Laboratoire de dynamique culturelle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Laboratoire de dynamique culturelle