Conservateur à la Bibliothèque nationale de France (BNF) au département des Estampes et de la Photographie, Anne-Marie Sauvage est également chargée du commissariat de l’exposition « Graphisme(s)». Elle évoque, pour le JdA, la genèse de la manifestation et l’esprit dans lequel elle l’a conçue.
Comment est née cette exposition ?
J’avais envie depuis longtemps de faire une exposition un peu générique qui concerne le graphisme sous toutes ses formes. J’ai pensé que la BNF, qui possède une collection extrêmement riche, à la fois par le nombre et par la variété des documents conservés, était le lieu idéal pour accueillir une telle manifestation. Les expositions que j’avais jusqu’à présent pu mettre en place étaient généralement consacrées à un type de support, l’affiche. Je voulais offrir cette fois-ci une vision plus transversale de ce secteur.
N’avez-vous pas été tentée par une exposition rétrospective ?
Pour le contenu, il me semblait important de parler du présent, car en parlant du présent on parle toujours un peu du passé. La création contemporaine est très riche, et mon souhait était de donner au public la possibilité de mieux cerner ce que la notion de graphisme recouvre aujourd’hui. Il fallait donc arriver à conjuguer ces deux objectifs : présenter une création protéiforme et complexe, mais aussi donner une définition du graphisme en tant que discipline globale. Nous vivons dans une culture visuelle où le graphisme apporte une part énorme, mais en fait peu de personnes savent de quoi il s’agit : c’est un peu comme si les signes – qui nous entourent – naissaient de façon spontanée sans que l’on se pose la moindre question sur leurs origines. À une époque où le statut des beaux-arts est mis en question, le moment est peut-être venu de s’interroger sur celui d’autres travaux qui relèvent aussi de l’art visuel.
Quels ont été les critères de sélection des œuvres présentées ?
Trois graphistes de renom qui appartiennent à des générations différentes, Jean Widmer, Alex Jordan et Philippe Apeloig, ont participé à cette sélection. Nous avons eu à cœur de montrer la multiplicité des esthétiques, sans privilégier aucune tendance particulière. Il n’existe pas de recette miracle pour qu’un document soit réussi. Il peut s’agir de beauté, de provocation ou d’autre chose, mais il faut toujours garder à l’esprit ceci : ce n’est pas parce qu’une affiche est lisible, qu’elle sera lue. Cela dépend de la disposition d’esprit dans laquelle se trouve le lecteur potentiel. Le rôle du graphiste est justement de savoir s’adapter à chaque situation. L’exposition se devait d’éviter un écueil important : faire du graphisme un phénomène de mode. J’entends dire fréquemment : “Quelles sont les tendances cette année ? Le violet ou le rose ?”, comme on pourrait le dire d’une collection de prêt-à-porter. Je n’ai rien contre la mode, mais il me semble que c’est un peu réducteur : le graphisme est lié malgré tout au contenu, à la signification et au sens. Nous avons privilégié dans l’exposition des travaux qui étaient, d’un point de vue plastique, remarquables mais aussi pertinents dans le lien qu’ils créaient entre la forme et le fond. Montrer ce qu’il y a d’un peu extraordinaire dans le plus ordinaire, voilà en résumé notre propos.
Certaines régions du globe, comme l’Europe du Nord ou les États-Unis sont extrêmement représentées, alors que les pays latins sont quasiment absents. Est-ce un choix délibéré ?
Une répartition de la création graphique par pays n’aurait pas été pertinente à l’heure de la mondialisation. La BNF est une grande institution et un lieu national, mon souhait était de montrer, sans exclusive, le panorama le plus vaste possible. Mais malgré mon désir initial de casser cette omniprésence anglo-saxonne que l’on constate dans tous les festivals, cela n’a pas été pleinement réalisable. Il est évident que la situation du graphisme n’est pas la même dans les pays riches. Intégrer des pays plus pauvres de façon anecdotique aurait été artificiel. Quant à certaines nations peu présentes comme l’Espagne ou l’Italie, nous nous sommes trouvés devant un problème très concret : l’absence quasi totale de réponse à notre appel à participation, alors qu’au Japon ou aux États-Unis la réactivité a été immédiate. Les pays latins ont peut-être suffisamment de possibilités d’expression dans le domaine des arts plastiques pour que le graphisme reste plus routinier.
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« La vision transversale » d’Anne-Marie Sauvage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : « La vision transversale » d’Anne-Marie Sauvage