Art

La Villa Manin en d’autres mains

Le Journal des Arts

Le 17 février 2009 - 490 mots

Le centre d’art contemporain italien devrait se transformer en espace d’expositions commerciales.

PASSARIANO - Linea d’ombra, société italienne spécialisée depuis 1998 dans l’organisation d’expositions grand public à Brescia et Trévise, a été choisie pour concevoir une série d’expositions à la Villa Manin à Passariano, au nord-est de l’Italie. Cette décision du conseil régional du Frioul-Vénétie Julienne implique la dissolution du centre d’art contemporain installé dans cette villa du XVIIe siècle. Une réattribution qualifiée de « suicidaire » par son directeur artistique, Francesco Bonami. Comme le reste de son équipe, le commissaire d’exposition indépendant a démissionné.
La Villa Manin avait ouvert ses portes en 2003, sous l’impulsion de Riccardo Illy, élu président de la région la même année. Mais les dernières élections du mois d’avril 2008 n’ont pas épargné ce membre du Parti démocrate de centre-gauche, qui a dû céder sa place à Renzo Tondo, élu du parti de Silvio Berlusconi, Il Popolo della Libertà. S’en est suivi un changement d’administration à la Villa Manin. Linea d’ombra, aussitôt sollicitée, y a déjà prévu quatre manifestations entre 2009 et 2011, en mettant l’accent sur l’art des XIXe et XXe siècles. Citons une rétrospective célébrant le 85e anniversaire de l’artiste italien Giuseppe Zigaina (21 mars-30 août) ; « Au temps de Corot et Monet : réalisme et impressionnisme en Europe centrale et occidentale » (26 septembre 2009-7 mars 2010) ; une exposition consacrée aux trois frères Basaldella (27 mars 2010-29 août 2010) et « De Böcklin à Klimt et Schiele : du symbolisme à la Sécession entre Munich et Vienne » (25 septembre 2010-6 mars 2011).
La conservatrice sortante de la Villa Manin, Sarah Cosulich Canarutto, n’a pas été tendre avec la société sous contrat avec la Région : « Les expositions blockbuster d’impressionnisme de Linea d’ombra sont vendues comme des produits de supermarché. Le budget marketing de ce genre d’exposition est bien plus élevé que le coût de sa réalisation. L’art contemporain en Italie rencontre des difficultés car il n’y a pas d’investissement culturel à long terme. » Mais Marco Goldin, directeur de Linea d’ombra, a défendu ses expositions : « La qualité des œuvres peut être reconnue en feuilletant nos catalogues, qui comprennent des textes signés par d’importants critiques d’art. Je ne sais ce que sont ces “produits de supermarché”. Les campagnes de publicité pour mes expositions […] n’ont jamais excédé plus de 20 % du budget total. Le conseil régional a décidé de changer la direction culturelle de la Villa Manin. Je suis un simple commissaire auquel on a demandé d’organiser des expositions. » Le conseil régional n’a pas souhaité faire de commentaires. « Monet, la Seine et les nymphéas », qui comptait parmi une série d’expositions organisées à Brescia par Linea d’ombra, a attiré 441 000 visiteurs en 2004. Tandis qu’« Infinite Painting », présentée à la Villa Manin en 2006 (d’avril à septembre), incluant les œuvres de Jeff Koons et Neo Rauch, n’en a accueilli que 50 000.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : La Villa Manin en d’autres mains

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