NEW YORK / ETATS-UNIS
Le service des Douanes américaines vient de saisir un tableau qui est peut-être un Rembrandt ou une copie du XVIIIe siècle. Cette toile est issue de la collection d’Adolphe Schloss, confisquée par le Régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. L’affaire relance l’attention sur cette collection, l’une des plus importantes qui ait été pillée en France pendant l’occupation nazie et dont la plupart des pièces n’ont jamais pu être récupérées.
NEW YORK - Le Portrait d’un vieillard (également connu sous le titre de Portrait d’un vieux Juif ou Portrait d’un vieillard avec barbe) achève un étrange parcours. L’œuvre est réapparue sur le marché en 1995, lorsque Christopher Glisson, un avocat américain de Baton Rouge, en Louisiane, a pris contact avec un journaliste pour lui proposer de la mettre en vente et de partager le produit de la vente entre les héritiers Schloss et le vendeur. Celui-ci n’était autre que la compagne de Sydney Ashkenazie, marchand à San Francisco. Sydney Ashkenazie avait acheté ce portrait chez Christie’s East en 1993 pour 29 000 dollars. Les vendeurs étant les héritiers de Ian Woodner, Sydney Ashkenazie avait alors cru faire une affaire : Ian Woodner avait en effet acheté le tableau 110 000 dollars en 1968 à Michael Shuman, de Montréal, qui l’avait lui-même acheté au marchand munichois Hans Mannestaedter en 1946. Sydney Ashkenazie et Elizabeth White, sa compagne, avaient constitué un dossier complet sur le portrait – qui avait appartenu au roi de Pologne au XVIIIe siècle – pour démontrer qu’il s’agissait bien d’un Rembrandt, et c’est grâce à leurs recherches que l’on a découvert qu’il faisait partie de la collection Schloss. Entre-temps, Sydney Ashkenazie fit faillite.
Quand Elizabeth White le quitta, en 1995, emportant le portrait avec elle ("par sécurité", déclara-t-elle plus tard), celui-ci tomba sous l’emprise du tribunal de commerce qui voulait le vendre afin de payer les créditeurs de Sydney Ashkenazie. Mais, pour l’heure, le tableau est entre les mains du service des Douanes américaines. L’année dernière, après qu’Elizabeth White eut été contrainte par la justice de le restituer à Sydney Ashkenazie, celui-ci s’est rendu avec le Rembrandt dans un entrepôt de Manhattan pour le montrer à un acheteur potentiel. Mais le rendez-vous était une ruse, le client n’étant autre que Bonnie Goldblatt, un agent des Douanes américaines chargé de récupérer l’œuvre. Et les douaniers furent bien déçus d’apprendre qu’elle valait sans doute beaucoup moins que le prix payé par Sydney Ashkenazie. À la suite de cette saisie, l’héritier de la famille Schloss à Paris, Jean de Martini, a engagé un avocat américain pour récupérer le fameux portrait. Lors de sa réapparition, en 1995, le gouvernement français avait refusé d’intervenir dans l’affaire. Avant de désigner son légitime propriétaire, une cour de justice doit d’abord examiner s’il est bien de la main de Rembrandt. Si le tableau est issu de l’atelier du peintre ou est une copie du XVIIIe siècle sans grande valeur marchande, les créditeurs d’Ashkenazie renonceront très probablement à se battre pour obtenir du tribunal de commerce chargé des liquidations son attribution. Il semble cependant de plus en plus vraisemblable qu’il a appartenu à la famille Schloss.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La saga d’un « Rembrandt »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : La saga d’un « Rembrandt »