Nouvelles technologies

La réalité virtuelle au service de l’archéologie

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2005 - 529 mots

Avec l’ouverture de l’Archéopôle, le laboratoire Ausonius entend médiatiser sa maîtrise des outils 3D dans le domaine de l’archéologie.

 Bordeaux - Si les visites virtuelles permettent aujourd’hui de faire parler les ruines, qu’en est-il de leur validité scientifique ? À Bordeaux, la plateforme technologique « Archéovision », développée dans le cadre de l’Institut Ausonius, entend démontrer que déontologie et nouvelles technologies sont compatibles. Dans cette unité mixte de recherche (UMR) du CNRS et de l’université Michel-de-Montaigne spécialisée dans l’archéologie antique et médiévale, plusieurs ingénieurs travaillent de concert avec les chercheurs à la mise au point d’outils permettant d’allier réalité virtuelle et recherche archéologique traditionnelle. L’inauguration le 9 septembre du nouvel « Archéopôle », conçu comme une « zone de contact entre les chercheurs et le public qui pourra y voir le travail en train de se faire », assurera au laboratoire la promotion de ces activités jusque-là connues du seul microcosme.
Dans l’« Odéon », des séances de visualisation permettent ainsi de découvrir – grâce à des lunettes spéciales – les travaux déjà réalisés sur le Circus Maximus de Rome ou la villa gallo-romaine de Plassac (Gironde). « La différence entre ces outils et les productions classiques est qu’il ne s’agit pas d’un produit fini mais d’une base de données », explique Robert Vergnieux, responsable du programme. Il est donc possible d’intervenir constamment pour enrichir le logiciel de nouveaux éléments, en fonction des découvertes. « Le travail de départ s’effectue à partir de toute la documentation existante, puis, de séminaire en séminaire, nous en affinons les détails. » Qui peuvent être multiples. Ainsi, dans le cas du cirque Maximus, la question s’est posée de savoir si les bronzes étaient astiqués. « D’après les textes antiques, ce n’est pas forcément le cas », précise Raymond Descat, directeur d’Ausonius et spécialiste des économies du monde antique, qui peut bénéficier quotidiennement, avec ses confrères du centre, de ce nouvel outil. Rentré des fouilles de Xanthos (Turquie) avec ses relevés, Jacques des Courtils a ainsi pu mettre à l’essai différentes hypothèses de restitution de l’architecture de ce site romain, replaçant ici un linteau, là un fragment de mur. Maniabilité, gain de temps, travail à distance : les avantages sont innombrables. Un enthousiasme que partage Alain Bouet, responsable des fouilles de Barzan (Charente-Maritime), qui peut manipuler sans les altérer les pièces de bois d’une machine élévatrice d’eau découverte dans un édifice thermal et préalablement sannées. Outre cet intérêt pour la recherche, l’Institut Ausonius a conscience de détenir un outil fiable, y compris pour une exploitation touristique. Un travail a d’ores et déjà été engagé avec des partenaires afin de rendre le produit plus agréable d’un point de vue visuel. L’objectif est aussi de devenir un interlocuteur privilégié capable de délivrer un label scientifique, et d’intervenir en qualité de conseil lors du lancement d’appels d’offre en imagerie 3D. L’ouverture de l’Archéopôle devrait y contribuer.

INSTITUT AUSONIUS-ARCHEOPOLE D’AQUITAINE

Université Michel-de-Montaigne – Bordeaux-III, 8, esplanade des Antilles, 33607 Pessac, tél. 05 57 12 15 00 ; informations liées à la visite : http://ausonius.u-bordeaux3.fr/archeopole/ - Espace d’exposition : 300 m2 - Ateliers d’exploration : céramologie, numismatique, épigraphie - Salle de réalité virtuelle : plateau technique et salle de 100 places.

Quand le robot remplace le tailleur de pierre

S’il constitue l’emblème du nouvel Archéopôle, financé au titre du 1 %, le grand sphinx des Naxiens, copie d’un original grec du VIe siècle, n’en est pas moins un symbole de la montée en puissance des nouvelles technologies dans le domaine de l’archéologie. Pour la première fois, une œuvre a pu être reproduite intégralement par scanographie laser dans son matériau d’origine, le marbre. Le modèle a été réalisé à partir d’un moulage conservé à Lyon qui a été entièrement scanné par empreinte numérique. Les fichiers informatiques contenant le modèle ont ensuite servi à la programmation d’un robot tailleur de pierre, mis au point par la société troyenne SNBR, spécialisée dans la restauration des monuments historiques. « Le robot permet la reproduction précise d’un original sans interprétation humaine, explique Pierre-Yves Saillant, ingénieur d’études chargé du projet. Cette expérience préfigure de nouvelles restitutions. » Nombreux sont en effet les responsables de sites archéologiques qui apprécieraient de pouvoir donner à voir du « concret » à leurs visiteurs. Mais l’utilisation d’un robot programmé introduit aussi la standardisation dans la taille de la pierre, jusque-là pratiquée par des professionnels qualifiés. Ces derniers « demeurent les seuls à savoir comment attaquer un bloc, et ça, c’est irremplaçable », tempère Pierre-Yves Saillant. Pourtant, la société SNBR, active sur de nombreuses chantiers de restauration, utilise d’ores et déjà son robot pour la découpe d’éléments répétitifs, tels que les arcs-boutants d’une cathédrale.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : La réalité virtuelle au service de l’archéologie

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque