La marine perd son port de Nice

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 22 novembre 2002 - 716 mots

Le déménagement, à Paris, des collections du Musée national de la marine, installées depuis 1963 à Nice, s’est achevé à la fin du mois d’octobre, marquant ainsi la fermeture de cette antenne méditerranéenne. Celle-ci intervient alors que l’institution a engagé la rénovation de l’ensemble de ses huit établissements.

NICE - Le Musée national de la marine présente ses collections au Palais de Chaillot, à Paris, mais aussi dans différents lieux des côtes de l’Atlantique et de la Méditerranée, notamment à Nice, dans la tour Bellanda, depuis 1963. Dans le cadre du grand projet culturel lancé en 1998 par Jean-Marcel Humbert (venu rejoindre Georges Prudhomme à la direction du Musée national de la marine), l’antenne située à Nice devait être totalement réaménagée. De son côté, la municipalité niçoise (UMP) souhaitait récupérer la tour Bellanda pour y installer un “Centre d’interprétation” relatant l’histoire du vieux Nice et du château au sein duquel la tour prend place. Des accords avaient été conclus en 1999 pour lancer un projet scientifique et culturel de rénovation du Musée de la marine niçois, destiné à être installé dans une galerie située sur la Promenade des Anglais (nommée “Galerie de la marine”). Pour André Barthe, adjoint à la Culture du maire de Nice, Jacques Peyrat, “les collections déposées à Nice n’avaient rien d’exceptionnel, il ne s’agissait pas d’un vrai musée comme à Toulon ou à Saint-Tropez”. Pendant longtemps, de manière générale, les antennes régionales étaient considérées comme des lieux secondaires, destinés à abriter les fonds les moins intéressants ; le projet culturel lancé en 1998 devait justement rééquilibrer la situation en revalorisant la province. Le conseil municipal de Nice avait d’ailleurs voté le transfert des collections à la Galerie de la marine. Depuis juillet 2001, plusieurs conservateurs travaillaient sur le nouveau plan muséographique, et, en septembre de la même année, les architectes Bruno Dozet et Christian Menu avaient été nommés responsables du projet. Un budget de 305 000 euros avait été voté pour la nouvelle galerie, dont l’ouverture était prévue pour la fin 2002. Mais, coup de théâtre, les 305 000 euros n’ont finalement pas été inscrits au budget municipal de la Culture en 2002, la Ville de Nice ayant abandonné toute idée de réinstallation des collections maritimes.

La municipalité argue de la gêne que  cela occasionnerait sur les projets culturels, orientés vers l’art contemporain. À la fin du mois de septembre, la direction du Musée national de la marine fut “priée” de rapatrier ses collections à Paris, en quelques semaines. “Je trouve très triste d’éliminer le patrimoine maritime de Nice, déplore Georges Prudhomme. C’est d’autant plus dommage que le musée attirait déjà 25 000 visiteurs par an, avant même que n’aient eu lieu les grands travaux de rénovation.” Pour sa part, André Barthe soutient que “le musée attirait moins de 10 000 visiteurs par an et n’avait aucun sens à Nice. Les collections appartenant à l’État retourneront à Paris, et celles de la ville iront rejoindre deux salles du Palais Masséna, ce qui est amplement suffisant par rapport à la demande du public “. Mais pourquoi avoir attendu plus d’un an pour annoncer l’annulation d’un projet déjà enclenché ? La ville manque-t-elle à ce point de lieux dévolus à la culture ? Plus généralement, cette fermeture marque-t-elle les limites du développement d’établissements installés en province et gérés depuis Paris ? “Nous faisons d’énormes progrès en matière de décentralisation, précise Georges Prudhomme. À Brest, le Musée de la marine attire 65 000 visiteurs par an, et le nouvel espace installé à Port-Louis, dévolu à l’archéologie sous-marine [lire le JdA n° 152, 28 juin 2002] est le premier musée en fréquentation de tout le Morbihan, avec 80 000 visiteurs depuis son ouverture.” Dans cette affaire, le Musée national de la marine n’a pas été soutenu par l’État, qui a laissé la Ville de Nice annuler de manière soudaine un projet cohérent. Le Musée de la marine va donc concentrer ses efforts sur Toulon et Saint-Tropez, où des travaux de rénovation ont déjà commencé. À Paris, les travaux de réfection des verrières de la grande galerie de l’aile Ouest du Palais de Chaillot seront achevés au mois de février, tandis qu’à Port-Louis, les salles dédiées au sauvetage en mer viennent d’ouvrir leurs portes au public. Le patrimoine maritime a donc encore de beaux jours devant lui.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°159 du 22 novembre 2002, avec le titre suivant : La marine perd son port de Nice

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