La sortie du film L’associé du Diable a attiré de curieux ennuis à la Warner Bros. Le sculpteur Frederick E. Hart et la cathédrale de Washington l’ont attaquée pour avoir copié une œuvre de l’artiste dans l’un des décors, et en avoir détourné le sens religieux. Afin de ne pas compromettre l’exploitation du film, la Warner a accepté des modifications.
BOSTON (de notre correspondante) - En octobre 1997, L’associé du Diable, avec Al Pacino, distribué par la Warner Bros, est sorti sur les écrans américains. Au fil de cette histoire d’avocats véreux, il apparait que le directeur associé d’un cabinet juridique new-yorkais n’est autre que le Diable en personne. Aujourd’hui, c’est la Warner qui est aux prises avec les avocats, et elle se trouve en bien mauvaise posture en raison d’un des principaux décors du film : un bas-relief, composé de nus tourmentés, accroché dans la demeure de Satan. De nombreuses personnes, en voyant le film au cinéma, ont remarqué que la sculpture en question ressemblait étrangement au tympan de la cathédrale nationale de Washington, un bas-relief de Frederick E. Hart intitulé Ex nihilo, la création de l’homme à partir du Néant.
J. Carter Brown, ancien directeur de la National Gallery of Art de Washington, faisait partie de ces spectateurs et a témoigné en tant qu’expert lors du procès engagé en 1997 par les responsables de la cathédrale et Frederick Hart contre la Warner Bros. Les plaignants voulaient faire interdire la projection du film ; ils ont attaqué la major pour non-respect des droits d’auteur et détournement de l’œuvre du sculpteur. Le juge chargé de l’affaire a décidé que la sortie des cassettes vidéo du film serait suspendue si les deux parties ne parvenaient pas à s’entendre. Un accord a donc été annoncé le 13 février, par lequel la Warner Bros s’engage à modifier certains passages afin “d’éliminer tout risque de confusion”.
Préjudice à l’honneur et à la réputation
Le bas-relief, livré en 1982, avait été commandé par la cathédrale en 1974. Les responsables de la cathédrale et Frederick Hart ont porté plainte auprès du tribunal fédéral pour violation de la loi américaine sur les droits d’auteur par la copie, la distribution, l’exploitation et la fabrication de produits dérivés de la sculpture, propriété intellectuelle de la cathédrale et de Frederick Hart. En vertu du Visual Artists Rights Act, qui protège les droits “moraux” des artistes dans l’exploitation de leurs œuvres, les plaignants ont également accusé le film d’être un détournement intentionnel de la sculpture, portant ainsi préjudice à l’honneur et la réputation de Hart. Lors de son témoignage devant la cour, J. Carter Brown a déclaré qu’il avait pu étudier les différents documents fournis par la Warner Bros, parmi lesquels figuraient de nombreux croquis et photographies d’œuvres d’art, et notamment d’Ex nihilo. La société a produit toutes les pièces utilisées par son décorateur pour concevoir le bas-relief. Pour J. Carter Brown, Ex nihilo était “de loin l’œuvre la plus proche dans le style et l’esprit” de la sculpture utilisée comme décor. L’utilisation de motifs à ce point identiques à ceux imaginés par Frederick Hart pour exprimer à l’écran “la lascivité, la luxure et la damnation” ne peut qu’altérer de façon négative le jugement de “toute personne qui, après avoir vu le film, irait à la cathédrale”, a-t-il déclaré. L’annonce du 13 février ne faisait nulle mention d’éventuels dédommagements, alors que les plaignants en réclament, et il est peu probable que les deux parties parviennent à un accord si cette demande n’est pas entendue.
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La « major » victime du Diable
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : La « major » victime du Diable