L’Assemblée nationale a rejeté les deux amendements visant à introduire cette exception au droit d’auteur.
PARIS - Sortie de l’avant-projet de loi sur le numérique, rejetée une première fois en commission à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale relatif à la loi liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la tentative d’introduction de l’exception dite de « liberté de panorama » a connu un nouvel échec en séance publique. L’amendement porté par la députée Gilda Hobert (RRDP) allait plus loin que les précédentes tentatives. Traditionnellement, cette exception, adoptée par certains États de l’Union européenne, permet de reproduire ou de représenter des œuvres architecturales et des sculptures visibles dans l’espace public sans l’autorisation des auteurs ou de leurs ayants droit et sans contrepartie monétaire. Ici, le texte de l’amendement visait les œuvres de « toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public ». L’initiative était soutenue par la députée du Calvados Isabelle Attard (EELV), qui résumait ainsi le débat : « On ne prive pas les auteurs, les artistes de droits. On ne les prive pas d’argent, ils ont été payés pour ce qu’ils ont fait. On dit seulement que l’on doit pouvoir mettre une photo de vacances du viaduc de Millau sur Facebook ou Instagram ! »
Mais le rapporteur du projet de loi, le député Patrick Bloche (PS), vigilant sur le contenu de l’amendement, s’y est opposé en soulignant que les dispositions proposées « tendraient à permettre une utilisation commerciale de reproductions d’œuvres visibles dans l’espace public. Ce serait de nature à constituer un préjudice pour les auteurs, les architectes, les auteurs d’arts graphiques et plastiques ». Ce constat d’un préjudice au détriment des auteurs a été relayé par la ministre de la Culture. Fleur Pellerin a également rappelé l’existence de débats au niveau européen portant « sur les bouleversements du partage de la valeur propre à l’environnement numérique […] qui s’opèrent au bénéfice de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus au détriment de l’amont de la chaîne, notamment les artistes ou ceux qui produisent des œuvres et qui prennent le risque de la création ». Consacrer dans la loi la tolérance dont font preuve les artistes vis-à-vis des géants d’Internet aurait pour conséquence de favoriser financièrement les distributeurs de contenus au détriment de leurs créateurs.
L’esprit des précédentes propositions, restreintes aux œuvres architecturales et aux sculptures, et ce seulement pour des usages non commerciaux, ne se retrouvait donc nullement dans les deux derniers amendements déposés sur le projet de loi « Liberté de création ». Il ne se retrouve guère plus dans la contre-attaque menée le 26 septembre par Wikimédia France, attachée à Wikipédia, portant sur le projet de loi « pour une République numérique ». La proposition d’amendement déposée sur le site de « coconstruction » de la loi avec les citoyens-internautes ne fait aucune distinction entre les usages commerciaux et non commerciaux. L’initiative étant soutenue officiellement par le Conseil national du numérique, organisme consultatif indépendant placé sous la direction d’Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, Wikimédia n’hésite pas à énoncer qu’il « [lui] semble regrettable que la France, à dessein, ne facilite pas le rayonnement de sa propre culture », en empêchant « le rayonnement du patrimoine français auprès de 3 milliards d’internautes ».
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La « liberté de panorama » en débat
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : La « liberté de panorama » en débat