Un exemple parmi d’autres de la répression grandissante du trafic de biens culturels venant du Moyen Orient.
L'affaire remonte à 2016 lorsque le FBI saisit une mosaïque romaine chez Mohamed Yassin Al-Charihi, résident en Californie, sur des soupçons de fraude aux droits de douane et d'importation illégale. Le collectionneur affirme dans un premier temps avoir payé à un intermédiaire syrien 2 200 dollars pour cette mosaïque et plusieurs vases de Turquie, mais des experts américains estiment la valeur de la mosaïque à plusieurs dizaines de milliers de dollars ou plus.
Al-Chahiri a par la suite avoué avoir payé 12 000 dollars pour les pièces « importées de Turquie », et le Département de la justice américain l'a inculpé en 2018 car d'autres éléments sur les formulaires de douane avaient été falsifiés : le collectionneur avait par exemple écrit qu'il importait un ensemble de « carreaux de céramique » de Turquie, et non une mosaïque.
Au cours des audiences, il est apparu que la mosaïque aurait été pillée ou volée en Syrie, ce que dément Al-Chahiri qui affirme qu'elle est « turque » selon son avocate. Depuis 2015 en effet les États-Unis ont voté des lois pour restreindre l'importation de biens culturels syriens, en raison des doutes sur leur origine légale. Lors de l'audience le 14 juin dernier, le collectionneur a affirmé qu'il a importé la mosaïque en très mauvais état, et qu'il aurait dépensé plus de 40 000 dollars pour la restaurer.
Pourtant son avocate avance que son client « qui n'est pas un expert » n'aurait pas pu juger de la valeur de cette mosaïque qu'il n'avait pas vue avant de l'acheter, et qui selon elle pourrait être un faux. Le Département de la justice a des preuves que Al-Chahiri non seulement avait vu des photographies de la mosaïque, mais qu'il savait qu'il s'agissait d'une pièce exceptionnelle. Enfin, des emails montrent que le collectionneur savait que la mosaïque provenait d'un site archéologique, puisque les intermédiaires lui avaient envoyé des photographies de 2010 avec la mosaïque in situ dans une villa romaine.
La mosaïque qui mesure 5,5 mètres sur 2,5 est composée de tesselles typiques de la période romaine au Proche Orient (les tesselles sont les petits morceaux de pierre, marbre ou pâte de verre qui composent les motifs). Selon l'expert mandaté par la justice américaine, le style de la mosaïque qui représente Hercule revêtu de la fourrure du lion de Némée concorde avec d'autres mosaïques du nord de la Syrie des IIIe et IVe siècles, notamment la région d'Idlib. Les pillages sont attestés dans cette région depuis le début de la guerre en Syrie, car elle compte des dizaines de sites archéologiques d'époque romaine et byzantine laissés à l'abandon. Les soupçons de la justice américaine s'appuient donc sur la situation géopolitique locale.
De son côté l'avocate de Al-Chahiri a fait témoigner l'expert new-yorkais Randall Hixenbaugh, lequel a émis des doutes sur l'iconographie de la mosaïque, en particulier un personnage féminin représenté avec un pantalon de style « barbare ». Il n'a cependant pas déclaré qu'il s'agissait d'un faux ou d'une copie, se contentant d'estimer sa valeur à environ 30 000 dollars, soit beaucoup moins que l'estimation du Département de la justice.
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La justice américaine poursuit le propriétaire d'une mosaïque importée illégalement de Syrie
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