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La grogne des guides touristiques au Colisée

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2025 - 730 mots

Ils se plaignent des nouvelles conditions de visite imposées par le Parc archéologique.

Rome (Italie). 2024 s’annonce une nouvelle année record pour le Colisée qui devrait dépasser les 12,3 millions de visiteurs qui ont foulé le sol de l’amphithéâtre flavien en 2023. Un succès qui s’explique en partie par le nouveau système de billetterie entré en vigueur cette année. Il mettait un terme au chemin de croix des touristes qui ne parvenaient pas à trouver des tickets d’entrée épuisés en raison des achats en masse de robots numériques dès leur mise en vente pour le compte d’agences de voyages et de revendeurs peu scrupuleux. Le ministère de la Culture s’est félicité d’avoir mis un terme à cette spéculation en instaurant un billet nominatif.

Des accents triomphalistes qui contrastent avec la grogne des guides touristiques romains. Le succès du Colisée, le monument le plus visité d’Italie, est pourtant loin de les réjouir. Le 4 décembre dernier, le Comité spontané des guides et opérateurs touristiques organisait une manifestation à quelques encablures du ministère de la Culture pour dénoncer les nouvelles réglementations publiées par le Parc archéologique du Colisée, jugées vexatoires et limitant leur liberté de travail mais aussi pénalisant la qualité des visites.« Le trafic illégal de billets devait en effet être affronté », estiment leurs représentants, mais « la réponse a été de mettre en œuvre une série d’actions et de réglementations très lourdes, qui ont certainement contribué en partie à résoudre le problème, mais qui ont également porté préjudice aux opérateurs, aux guides touristiques et aux visiteurs avec une baisse de 60 % de la vente des visites guidées. Le Parc archéologique devrait collaborer avec nous au lieu de nous mettre en difficulté. »

Depuis le printemps dernier, deux règlements ont été publiés. Il instaure l’obligation de limiter le temps de visite des groupes qui doivent rester unis du début à la fin, à 75 minutes. En cas de non-respect, les guides seront verbalisés. « Les règles sont trop nombreuses et souvent byzantines ce qui rend leur application difficile, explique Isabella Ruggiero, présidente du syndicat Associazione Guide Turistiche Abilitate (AGTA). Concernant le dernier règlement, le problème n’est pas la limite elle-même de la visite, mais tous les imprévus possibles et les entraves : les cinq contrôles de sécurité, qui font perdre du temps, le client qui a besoin de l’ascenseur ou d’une pause aux toilettes, ou pour acheter de l’eau, qui est pratiquement introuvable. Sans oublier les légitimes exigences posées par les personnes âgées, à mobilité réduite et les enfants pour lesquels bien peu de services sont prévus. » Le Colisée ne dispose en effet que de cinq toilettes pour les hommes et cinq toilettes pour les femmes alors que 3 400 personnes en franchissent le seuil chaque heure, soit environ 30 000 par jour. Deux ascenseurs seulement pour les personnes à mobilité réduite sont présents dans le monument et ils fonctionnent dans de piteuses conditions.

Éviter la surpopulation touristique

Dans sa réponse à cette grogne, le Parc archéologique du Colisée met en exergue le manque d’unité des associations représentant les guides. Toutes ne se sont pas unies à la manifestation du 4 décembre. « Les chiffres sont clairs : la constante augmentation de la fréquentation prouve que les nouvelles règles n’ont pas “sabordé” le secteur, estime la direction du site. Au contraire, l’introduction d’un système de billetterie moderne et sécurisé a été positive. Concernant la durée des visites, la limite de 75 minutes a été fixée pour maintenir un nombre maximum de 3 200 personnes à l’intérieur du Colisée pour éviter la surpopulation touristique. » Le Parc archéologique du Colisée reconnaît néanmoins la nécessité d’une meilleure gestion des flux touristiques qui se concentrent presque exclusivement sur l’amphithéâtre délaissant les autres zones du Parc archéologique.

Il devra bientôt répondre à une autre polémique. Celle née de l’accord d’un montant de 1,5 million de dollars, conclu avec Airbnb à l’occasion de la sortie au cinéma du film Gladiator 2. L’entreprise de locations de courte durée entend proposer, en mai prochain, à seize de ses clients de participer à une reconstitution des spectacles de l’Empire romain dans l’enceinte du Colisée. Le conseiller à la Culture du maire de Rome, Massimiliano Smeriglio, fustige déjà un « principe de marchandisation et de consommation de la culture », contraire à sa volonté de rendre le patrimoine accessible à tous. « Nous ne pouvons pas transformer l’un des monuments les plus importants du monde en parc à thème. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°646 du 3 janvier 2025, avec le titre suivant : La grogne des guides touristiques au Colisée

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