Attentats - La culture en deuil

La France endeuillée regarde aussi Palmyre

Les attentats du 13 novembre ont fauché la jeunesse, mais aussi endeuillé le monde de la culture

Par Colin Lemoine · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2015 - 492 mots

Après les attentats qui ont ensanglanté Paris le 13 novembre dernier, la culture compte ses victimes. Mais elle se préoccupe aussi de lutter contre le trafic archéologique et garder la mémoire de Palmyre. À l’Unesco, François Hollande a repris le 17 novembre à son compte plusieurs des propositions d’un rapport qu’il a commandé au président du Louvre sur ces thèmes.

PARIS - Le bilan a beau être le dernier, il n’en est pas moins provisoire, au vu des 350 blessés dont certains, dans un état critique, occupent les lits d’hôpitaux. Il fait état, en cette mi-novembre, de 130 décès. 130 vies parties sous les balles d’assassins décidés à éradiquer le rire des terrasses, la musique des salles, la joie des artères de Paris.

Tandis que les personnes tuées ont toutes été identifiées, a indiqué mercredi 18 novembre la présidence de la République dans le compte-rendu du Conseil des ministres, la liste des victimes est éloquente : les personnes qui ont payé de leur vie la barbarie extrémiste étaient jeunes, très jeunes, et appartenaient, pour nombre d’entre elles, au monde de la culture, des cultures – musicale, plastique, cinématographique, télévisuelle, alternative, érudite.

La carte sociologique de la capitale est ainsi faite, et les terroristes le savaient : les 10e et 11e arrondissements de Paris cristallisent l’inventivité et l’innovation, le métissage et la mixité, la fronde et l’audace. Le pôle nord-est de la capitale recense ainsi nombre de salles de concert, de sièges de journaux – Charlie Hebdo n’est pas loin –, de théâtres, de cinémas, de galeries d’art, de lieux de spectacle et, pour Daech, de « débauche ». Cela n’est pas anodin, et pas involontaire, donc, si la culture paie l’un des plus lourds tributs à la barbarie. Le Bataclan a notamment vu périr Guillaume Barreau-Decherf, journaliste musical aux Inrocks ; Alban Denuit, plasticien représenté par la galerie bordelaise Éponyme ; Fabian Stech, critique d’art dijonnais ; Grégory Fosse, programmateur musical pour la chaîne de télé D17 ; Cédric Gomet, collaborateur de TV5 Monde ; Fanny Minot, monteuse à Canal Plus ; Lola Salines, éditrice chez Gründ ; Luis Felipe Zschoche Valle, leader chilien d’un groupe de rock ; Quentin Mourier, architecte aux Vergers urbains ; Thomas Ayad et Manu Perez, employés d’Universal Music ; Maxime Bouffard, réalisateur indépendant ; ou encore Caroline Prenat, graphiste rhodanienne.

Les cafés et restaurants, eux, ont enregistré la mort, insupportable, de Raphaël Hilz, architecte à l’agence Renzo Piano Building Workshop ; Lucie Dietrich, graphiste au magazine L’Étudiant ; Amine Ibnolmobarak, architecte marocain de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris Malaquais ; d’Émilie Meaud, architecte dans le cabinet Chartier Dalix et de Kheireddine Sahbi, violoniste algérien virtuose et étudiant en ethnomusicologie.

Qu’elles émanent d’institutions, de collaborateurs, d’amis ou de parents, les annonces funèbres trahissent toutes la même injustice et le même dénominateur commun : chez ces victimes, si peu de printemps et tant de talent. Meurtrie, la culture mettra du temps à panser ses plaies, largement ouvertes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : La France endeuillée regarde aussi Palmyre

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