La "déclaration de Düsseldorf" pour la Culture

Trois cents signatures contre le désengagement de l’État allemand

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1996 - 584 mots

La \"déclaration de Düsseldorf\" n’est pas tant une attaque du système du mécénat qu’une dénonciation des restrictions budgétaires officielles en faveur de la Culture. Elle a été signée par plus de trois cents personnalités du monde culturel allemand et suisse : des artistes – Matthaeuer, Penck, Salomè, Trockel, Ueker, Zimmer... –, des critiques comme Werner Hoffman, des conservateurs de musées tels que Dieter Koepplin, de Bâle, et Dieter Ronte, de Bonn, ainsi que des galeristes.

DÜSSELDORF - À l’initiative de la "déclaration de Düsseldorf", Klaus Staeck, maître de conférences et membre du comité exécutif du SPD (parti social démocrate allemand) pour la promotion des beaux-arts, et l’artiste Hans Haacke, par ailleurs new yorkais d’adoption. En sept points, incluant un code de bonne conduite, les trois cents signataires déclarent en substance que le mécénat privé est dangereux parce qu’il fournit un alibi commode à l’État pour justifier son avarice, lequel préfère investir dans d’autres secteurs – le sport, par exemple, qui bénéficie pourtant de deux milliards de deutschemarks (6,8 milliards de francs) de recettes annuelles.

Non au capitalisme macho
Il est certain qu’en dehors de l’Allemagne, la prise de position des "contestataires" paraît aller à contre-courant, à l’heure où la Culture cherche plutôt à s’émanciper, au moins dans les intentions, de la notion d’État-providence. Maria-Luise Syring, signa­taire du document en qualité de responsable du département d’Art contemporain de la Kunsthalle de Düsseldorf, a déclaré que "le mécène privé est un collaborateur utile pour la réalisation de nos projets" et que "la liberté de l’artiste n’est guère limitée par le pouvoir des mécènes", mais elle redoute un alignement du système européen sur celui des États-Unis, "où la Philip Morris veut représenter, avec son slogan, la culture de notre temps, et où, pour citer Hans Haacke, c’est le capitalisme macho et l’art des mass-media qui font la loi."

Les signataires affirment que les mécènes privés, faute d’imagination, soutiennent de préférence les initiatives liées à des noms célèbres et des institutions confirmées (point n° 4), et que "tout denier privé se substituant à un denier public comporte le risque que des particuliers et des entreprises privées influent sur des institutions fondées grâce à de l’argent public" (point n° 7). Enfin, tout en laissant ouverte une vieille question (l’argent public est-il plus propre que l’argent privé ?), le point n° 3 du document remarque avec ingénuité que "les personnes privées promeuvent rarement la Culture de façon spontanée. L’une de leurs motivations essentielles est la possibilité de bénéficier d’exemptions fiscales".

Les points essentiels de la "déclaration de Düsseldorf"
1. […] Les principes de la politique culturelle de l’État et les décisions de la Cour constitutionnelle font obligation à la l’État fédéral, aux régions et aux municipalités de financer les institutions culturelles publiques et de garantir ainsi l’autonomie et la liberté de la Culture. […]
2. Le soutien apporté à la Culture par l’État est un investissement pour l’avenir. Il libère des forces spirituelles et crée une société qui se ne coupe pas du monde. […] La Culture contribue au produit national brut de la République fédérale à hauteur de 2,5 %.
4. […] Les projets novateurs et critiques, peu connus, suscitent rarement l’intérêt des sponsors ; de même pour les institutions culturelles des villes de petite et moyenne importance. […]
5. […] Le financement public donne des garanties et des possibilités de projets d’avenir ; le financement privé n’est jamais sûr.
7. […] On ne saurait dire que l’argent manque ; mais il faut dire, en revanche, qu’il est mal distribué.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : La "déclaration de Düsseldorf" pour la Culture

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