Politique

PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE

La culture et les arts absents de la campagne électorale

Par Alexis Buisson, correspondant à New York · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2020 - 810 mots

ÉTATS-UNIS

Malgré le soutien des artistes, Joe Biden n’a fait aucune proposition dans le domaine culturel. Trump, lui, est égal à lui-même.

États-Unis. Difficile de parler de la culture dans l’élection présidentielle américaine, au milieu des débats tendus sur le racisme, le Covid-19 et le remplacement de la juge Ruth Bader Ginsburg à la Cour Suprême. À l’approche du scrutin du 3 novembre, le président Donald Trump et son adversaire démocrate Joe Biden ne se sont pas exprimés sur leurs projets en la matière. Ce silence est d’autant plus difficile à vivre pour le secteur, très touché par la pandémie, qui a un poids économique non négligeable : il génère 877 milliards de dollars (747 milliards d’€) par an et emploie 5,1 millions de personnes. « Les arts sont le cœur et l’âme des États-Unis, et la créativité a toujours été essentielle à toute relance économique. Il ne peut y avoir de reprise sans les arts », affirme Robert Lynch, président d’Americans for the Arts, une association de promotion de la culture et des arts outre-Atlantique.

Il est vrai que la culture est traditionnellement peu présente dans les campagnes présidentielles américaines, notamment parce que l’État fédéral a peu de pouvoir en la matière. À la différence de la France et d’autres pays européens, le financement public des arts est très faible à l’échelon national. En 2019, le budget du National Endowment for the Arts (NEA), l’agence indépendante créée en 1965 par le président Lyndon Johnson pour soutenir la culture, ne pesait que 162 millions de dollars (137 millions d’€). Pour un pays de 328 millions d’habitants, cela représente à peine 50 « cents » par tête. En 2016 déjà, les deux candidats Hillary Clinton et Donald Trump avaient peu parlé de culture. La première avait déclaré fin 2015 que « l’art était important en soi », mais qu’il était aussi un moteur économique, source de « revitalisation urbaine ». Le second, qui n’a donné que 465 125 dollars (396 000 €) entre 1994 et 2010 à des organismes artistiques et culturels selon les calculs de The Art Newspaper, n’avait presque rien dit sur le sujet.

Une sensibilité à l’art côté démocrate

Joe Biden, le candidat démocrate, n’évoque pas directement la culture dans son programme, mais le site d’information artistique Hyperallergic s’est penché, début septembre, sur son bilan de sénateur et vice-président. Le site note ainsi qu’il a voté contre de nombreux amendements visant à réduire le budget du NEA dans les années 1990, décennie où les législateurs républicains, emmenés par le chef de la majorité à la Chambre des représentants, Newt Gingrich, ont tenté d’assécher les fonds de l’agence au motif qu’elle finançait de l’art jugé antireligieux. Joe Biden a également soutenu la création du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines de Washington DC, membre du réseau de musées publics Smithsonian, et promis de créer un équivalent consacré à la communauté hispanique.

Sa colistière, Kamala Harris, a siégé au conseil d’administration du SFMoMa, le Musée d’art de San Francisco, avant de devenir sénatrice de Californie, et a soutenu plusieurs initiatives culturelles ethniques, comme le « Mois de l’héritage hispanique ». Par ailleurs, Joe Biden et Kamala Harris ont des amateurs d’art dans leurs familles, poursuit Hyperallergic : le fils de l’ancien vice-président, Hunter, s’adonne à la peinture, tandis que la belle-fille de la sénatrice est étudiante à l’école de design Parsons à New York.

Des artistes soutiennent Biden et Harris

Malgré l’absence de propositions précises, certains artistes ont décidé de se mettre au service des démocrates. Du 2 au 8 octobre, la galerie new-yorkaise David Zwirner organise une vente d’œuvres en ligne afin de lever des fonds pour la campagne de Joe Biden. Plusieurs groupes émanant du milieu de la culture et des arts, comme « Broadway for Biden » (qui met à contribution des artistes de Broadway pour appeler les électeurs notamment) ou encore « Arts for Biden-Harris », ont également été créés. Le tandem a aussi reçu le soutien de syndicats d’artistes, comme l’Actors’ Equity Association, qui représente 50 000 professionnels du spectacle. En justifiant son choix, il a cité les tentatives répétées de Donald Trump de supprimer le NEA depuis qu’il est élu. Dans sa proposition de budget pour 2021 publiée en février, la Maison Blanche a aussi demandé à réduire drastiquement les crédits du NEH (National Endowment for the Humanities, pour la recherche et l’éducation) et de l’Institute of Museum and Library Services, l’agence qui soutient le réseau de musées et de librairies publiques aux États-Unis. Autant de dépenses qui ne sont pas« considérées comme au cœur des responsabilités fédérales », selon le document budgétaire. Les débats nationaux ne doivent pas faire oublier qu’une partie de l’avenir de la scène culturelle se jouera au niveau local. Comme lors de la récession de 2009, de nombreuses localités (villes, comtés, États…) ont déjà dû couper leurs budgets pour la culture à cause de la crise sanitaire, suscitant une vive inquiétude du secteur.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°552 du 2 octobre 2020, avec le titre suivant : La culture et les arts absents de la campagne électorale

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