Chaque Salon du meuble de Paris apporte inévitablement son lot de recherches prospectives sur l’habitat du futur. C’est à nouveau le cas pour l’édition 2003, avec un constat à la clé : l’espace habitable, meublé ou non, est encore un territoire à conquérir.
Quoi de neuf dans l’espace habitable ? La question reste plus ouverte que jamais, tant les approches s’épanouissent tous azimuts. À preuve : ces deux projets des designers Frédéric Ruyant et Olivier Peyricot (1), qui, sur un même thème, celui de l’aménagement intérieur, ont imaginé des scénarii radicalement opposés. Dans les éprouvettes du premier, le mobilier se solidifie, s’épaissit, se fait architecture. Dans celles du second, au contraire, il se fluidifie, se répand, devient paysage.
Frédéric Ruyant a conçu un mobilier qui structure l’espace : “Mon idée était celle du labyrinthe, explique-t-il. Je voulais que le mobilier génère un parcours à travers les divers objets qui le composent. Qu’on puisse tourner autour des meubles, et surtout les manipuler. C’est une approche quasi physique avec le mobilier.” Le designer a donc conçu quatre petites “architectures” : un espace séjour/détente, un espace repas/travail, un espace de sommeil, enfin, un espace rangement. Tous sont fabriqués sur le même principe : une “structure” en mousse, de couleur kaki, dans laquelle viennent se loger divers éléments amovibles en bois laqué vert pomme. La démonstration est éloquente avec l’espace repas/travail. Sur le côté, on distingue la silhouette de deux chaises, encastrées dans l’épaisseur de la structure. Il suffit de les déboîter pour les utiliser. La table, elle, peut coulisser sous le bar, faisant ainsi varier la longueur de son plateau d’un côté ou de l’autre de la structure. Résultat : “Le mobilier opère un double jeu de dévoilement et d’emboîtement, dit Frédéric Ruyant. Et la structure de mousse n’est finalement qu’un lien physique qui relie des meubles entre eux.”
Si ce dernier designer a choisi de concentrer les objets, Olivier Peyricot, lui, a préféré les rendre mobiles. Son projet est baptisé “Conquest your Home” (“Conquis ta maison”). Un slogan plus approprié serait en fait “Conquis ton espace”, le but étant d’offrir à un utilisateur les possibilités de reconfigurer à l’envi son propre logement. “Aujourd’hui, s’interroge Olivier Peyricot, grâce aux différentes activités sportives, notre corps est entraîné à se déplacer dans l’espace, aussi bien ‘verticalement’ (varappe, escalade…) qu’’horizontalement’ (skate-board, surf...). Pourquoi n’en profiterait-il pas pour aller à la conquête de l’espace dans lequel il vit ?” En clair : avec un peu d’imagination, on peut “habiter” son logement autrement. D’où ce système flexible, tendance camping, qui se compose de deux éléments principaux : un “tapis-bâche”, lourde toile de coton à la forme irrégulière et aux couleurs criardes, et des “cloisons souples” en nylon, percées ou non de porte. Dans un premier temps, on choisit une pièce-cobaye. Ensuite, comme s’il s’agissait de faire table rase du quotidien, on étale le tapis-bâche, y compris sur le mobilier existant (sic !). Enfin, on déploie les cloisons souples, lesquelles sont maintenues à l’aide de pieds télescopiques. La pièce s’en trouve aussitôt complètement métamorphosée : “Ne reste plus alors qu’à partir à la découverte de ce territoire tout neuf”, lance Olivier Peyricot. Une prouesse qui s’expérimente aussi grâce à un objet emblématique : le “Wear your Seat” (“Emporte ton siège”), une drôle de coque en mousse à l’allure de carapace de tortue, qui permet de... “transporter son confort sur le dos”. Alors concentration ou mobilité du mobilier ? Entre les deux, l’espace balance.
(1) Ces deux projets ont bénéficié d’une Carte blanche 2003 du VIA – Valorisation à l’innovation dans l’ameublement –, l’antenne Recherche & design de l’Union nationale des industries françaises de l’ameublement.
L’édition 2003 du Salon du meuble de Paris se déroule jusqu’au 13 janvier, au Parc des expositions de la porte de Versailles. La journée ouverte au public est le samedi 11 janvier, de 11h à 19h. Entrée : 10 euros.
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La conquête de l’espace habitable
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : La conquête de l’espace habitable