Justice

La comptable et les antiquaires

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2008 - 493 mots

Ouverture du procès de la comptable de la BNP Paribas qui avait détourné 15,7 millions d’euros. Trois antiquaires parisiens sont sur le banc des accusés pour recel d’escroquerie

Siège Social BNP Paribas

PARIS - Son procès pour abus de confiance et escroquerie s’ouvrira à Paris, devant la 13e chambre du tribunal correctionnel. Ainsi que, dans son sillage, celui de trois importants antiquaires parisiens soupçonnés d’avoir profité de la situation. Elle était comptable à la banque BNP Paribas et aimait beaucoup les beaux meubles et objets d’art du XVIIIe. De 2001 à fin 2004, pour assouvir sa passion, Françoise Hardier a détourné 15,7 millions d’euros de sa banque, sans que celle-ci ne se rende compte de rien (lire le JdA no 214, 29 avril 2005, p. 25). Elle achetait régulièrement chez une trentaine d’antiquaires parisiens qu’elle payait par virement, en piochant dans divers comptes fournisseurs de la banque, y compris, pour les plus grosses sommes versées (jusqu’à 350 000 euros), dans les comptes nécessitant une autorisation préalable de ses supérieurs hiérarchiques. Aucune facture ne lui était demandée pour justifier ces transferts. Son goût pour des meubles de plus en plus prestigieux lui a valu d’être l’une des plus importantes clientes lors la Biennale des antiquaires de Paris en 2004. Avant d’être démasquée par la direction centrale de la banque début 2005, à l’occasion d’un rapprochement annuel des comptes pour 2004.

Accord transactionnel
Nonobstant son modeste appartement de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) richement décoré aux frais de la banque, Françoise Hardier, femme à l’allure très soignée, donnait le change. Elle disait aux marchands qu’elle était à la recherche d’une belle propriété ancienne. En trois ans, plus de 80 % des sommes détournées ont été dépensées chez les galeries François Léage, Jean Gismondi et Jacques Perrin. Les trois antiquaires, qui se disent complètement ignorants de l’origine frauduleuse des fonds, prétendent s’être faits berner. Suspectés d’avoir entretenu la passion dangereuse de leur collectionneuse, ils sont pourtant poursuivis pour recel d’escroquerie par le Parquet de Paris. Ce qu’ils ne comprennent pas, affirmant ne pas avoir poussé à l’achat. D’autant que, « compte tenu de la qualité des meubles vendus, les prix consentis à cette dame et mes marges bénéficiaires sont tout à fait en conformité avec ce qui est pratiqué dans la profession », défend Jean Gismondi.
Pour tenter d’étouffer l’affaire qui renvoie la BNP Paribas à la négligence de son service comptable, la banque aurait fait signer aux antiquaires un accord transactionnel dont le contenu est tenu secret, en échange duquel elle ne se porte plus partie civile contre eux. Selon cet arrangement, les antiquaires auraient racheté les meubles acquis chez eux par Mme Hardier (qu’elle aurait elle-même cédés gracieusement à la banque flouée), ce à un prix inférieur à leur prix de vente. La banque serait donc loin d’avoir retrouvé la totalité des fonds détournés. Le 16 avril, devant le tribunal correctionnel de Paris, la banque, qui a agi avec légèreté dans la gestion et le contrôle de ses propres comptes, devra s’expliquer.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°279 du 11 avril 2008, avec le titre suivant : La comptable et les antiquaires

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