No smoking

La Commission européenne veut interdire la publicité pour le tabac

Les marques de tabacs financeraient les arts pour 9,5 %

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 520 mots

Le Conseil des ministres de l’Europe discute actuellement d’une proposition très controversée de la Commission européenne, visant à interdire de nombreux domaines à la publicité pour les tabacs.

La première proposition remonte aux années de grande activité législatrice qui ont précédé la mise en place du marché unique, en 1992. Elle a rencontré une opposition aussi ferme que constante de la part de pays comme le Royaume-Uni, la Hollande, l’Allemagne ou le Danemark, tandis que d’autres lui apportaient leur soutien, au premier rang desquels la France et l’Italie. Aujourd’hui, la situ­ation semble dans l’impasse, la Commission paraissant déterminée à maintenir sa proposition en l’état.

Cette dernière fait écho à la loi Evin, adoptée en 1991, qui interdit la publicité pour les tabacs et certains alcools. Cette loi ne mentionne toutefois pas le mécénat, qui resterait ainsi autorisé aux entreprises mais non aux marques. Telle est du moins la situation de fait. On signale à l’Admical, association française pour le mécénat d’art, que la loi Evin a entraîné une réduction de soixante millions de francs des fonds apportés par les sponsors, marques ou entreprises.

En revanche, la SEITA, qui a le monopole de la distribution des tabacs, continue de soutenir les arts, arguant qu’elle ne représente pas une marque. De son côté, Philip Morris a réduit ses activités dans ce domaine ; elles sont désormais chapeautées par la société holding. Certains sponsors traditionnels se sont totalement retirés des affaires, estimant la loi par trop restrictive.

Conséquences incertaines
Les conséquences envisageables de la directive restent incertaines. "On ne sait pas quelle est la politique exacte de cette proposition en matière de mécénat", résume un responsable de la société de tabacs Gallaher. "Mais il y a un risque réel que notre entreprise doive réduire ses activités de mécénat." Si certains, au sein de la Commission, admettent que le mécénat représente bien une forme de publicité, ils nient que la directive puisse concerner les mécènes puisqu’elle ne s’attaquerait, selon eux, qu’à la publicité faite dans le cadre de manifestations artistiques.

"Si la directive débouche sur une interdiction totale du mécénat d’art de la part des sociétés de tabacs, elle sera lourde de conséquences", estime Anne Vanhaeverbeke, de la Cerec, l’association européenne du mécénat d’art. Selon une étude au niveau européen récemment publiée par l’association, les financements dont bénéficie le secteur artistique proviennent à 9,5 % des tabacs. À titre d’exemple, les musées de Venise, palais des Doges compris, sont restés ouverts pendant toute l’année 1991 grâce à Philip Morris.

L’organisation Action on Smoking and Health soutient, au contraire, que les conséquences d’une telle interdiction se feraient très peu sentir. Un point de vue conforté par le fait que certaines institutions, comme la Tate Gallery de Londres, appliquent déjà une politique anti-tabac. Il faut cependant rappeler que, selon l’étude de la Cerec, 61 % des organismes artistiques accepteraient un sponsoring par des sociétés de tabacs, contre 35 % qui le refuseraient. Signalons enfin que 53 % d’entre eux opteraient plus volontiers pour une auto-discipline, telle qu’elle se pratique au Royaume-Uni, en Allemagne, en Hollande ou au Danemark, de préférence aux mesures actuellement envisagées par l’Union européenne.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : La Commission européenne veut interdire la publicité pour le tabac

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