En mettant un terme à ses acquisitions comme à certaines de ses productions, la Caisse des dépôts et consignations réoriente sa politique de mécénat.
PARIS - Dans le milieu de l’art contemporain, le mécénat de la Caisse des dépôts et consignations avait jusqu’à présent une valeur symbolique supérieure aux 400 000 euros engagés annuellement en faveur des arts visuels. Avec la fin des acquisitions et des commandes, entérinée cette année, la France vient pourtant de perdre l’un de ses principaux acheteurs privés. Le choix du nouveau directeur général, Francis Mayer, surprend d’autant plus qu’il s’inscrit à rebours de la loi relative au mécénat votée en août 2003. « Ce n’est pas la décision d’un directeur qui n’aimerait pas l’art, défend Francis Lacloche, directeur du département Mécénat. Je savais qu’un jour, on arrêterait les acquisitions car nous n’avions plus de place. Lorsque les photos sont accrochées pendant dix ans, elles s’abîment. Il y avait un problème de conservation. » Le fonds de 700 photographies acquises depuis 1996, les 80 œuvres produites entre 1995 et 2003, actuellement entreposées dans des institutions en province, et les 58 pièces en dépôt depuis 1994 au Musée d’art moderne de Saint-Étienne, feront l’objet d’un transfert de propriété à l’État d’ici à la fin de l’année. Une grande partie du fond photographique pourrait rejoindre le Musée national d’art moderne, à Paris. La direction n’a pas encore statué sur les œuvres remplaçant les photos dans les différentes antennes de la Caisse, mais le repli sur les estampes n’est pas improbable.
Un modèle
L’établissement public a choisi de restreindre ses aides à la production aux seuls musées, dans une optique de « confrontation présent-passé ». Après l’installation lumineuse d’Ann Veronica Janssens dans l’exposition « Les origines de l’abstraction » au Musée d’Orsay en 2004, l’entreprise a coproduit les œuvres de dix artistes pour l’opération « Contrepoint » au Musée du Louvre. De tels projets sont sans doute plus rassurants pour la clientèle classique de l’institution. On sent aussi dans cette orientation un avant-goût de réduction budgétaire pour une entreprise pourtant prospère. « On est obligés de s’adapter à une situation où il y a de plus en plus d’expositions et de moins en moins d’œuvres exceptionnelles. Il y a peut-être un ronron dans le milieu artistique », avance Francis Lacloche avant de reconnaître : « Nous sommes dans une phase de réduction des frais généraux. Je suis moins en mesure d’aider quinze projets. Je préfère me concentrer sur moins d’actions, pour que cette activité puisse perdurer. » Les centres d’art sont les grands exclus de ce nouveau virage. N’ont-ils pourtant pas plus besoin de soutien que le Louvre ou Orsay ? « On est là pour accompagner des projets innovants. Je ne fais pas de mécénat comme compensation à la misère étatique. Ce n’est pas en injectant 300 000 euros aux centres d’art que je pourrai changer la donne », rétorque Francis Lacloche. Prévu sur une durée de trois ans, le programme d’expositions « Module » entamé en janvier 2002 en coproduction avec le Palais de Tokyo a été abandonné en juin, avant son terme, malgré un bilan jugé positif. « Le terrain de la création contemporaine est très fragile. Le départ d’un partenaire est toujours une mauvaise nouvelle, comme dans une petite famille, car s’il manque un membre, on le ressent tout de suite, observe Jérôme Sans, codirecteur du Palais de Tokyo. Si nous étions dans un pays où l’art contemporain n’était pas le parent pauvre de la création, les choses seraient différentes. Mais quand vous perdez 150 000 euros par an, comme c’est le cas avec le départ de la Caisse des dépôts, ce n’est pas rien, surtout quand vous l’apprenez en 2003, en fin d’année budgétaire ! » Ce retrait est d’autant plus traumatisant que le mécénat de la Caisse servait de modèle pour convaincre les entreprises hésitantes. Une tâche désormais plus ardue.
Rattachée depuis un an au département Communication, la section Mécénat de la Caisse adoptera sans doute une coloration plus événementielle. « Pour le moment, le mécénat reste indépendant de la communication. Le rattachement est purement administratif », proteste Francis Lacloche. L’entreprise avait été l’une des rares à ne pas utiliser son soutien à l’art à des fins promotionnelles. C’est pourtant la voie qu’elle prendra en communiquant plus largement en 2005 lors d’une exposition itinérante précédant le transfert de propriété. Sommes-nous encore à l’ère du mécénat, fait d’un prince courageux comme l’était l’un des anciens directeurs généraux, Robert Lion, ou à celle du retour sur investissement ? Une question qui pointe du doigt le manque d’éducation artistique de nos élites, un mal à prendre à la racine, dans les grandes écoles, mais surtout à l’école.
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La Caisse des dépôts révise son mécénat
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°199 du 24 septembre 2004, avec le titre suivant : La Caisse des dépôts révise son mécénat