La baisse est amorcée

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2008 - 896 mots

Malgré l’optimisme du ministère, l’érosion du budget de la Mission culture sera continue jusqu’en 2011.

PARIS - Christine Albanel l’a annoncé avec un aplomb surprenant : dans un contexte général morose, son budget augmentera de 2,6 % en 2009… à condition que l’on prenne en compte les ressources extrabudgétaires ! Provenant des ventes de biens domaniaux de l’État, celles-ci sont estimées à 35 millions d’euros, et seront principalement affectées aux monuments historiques et à la construction de la Philharmonie de Paris. Pourtant, les chiffres communiqués par le ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique laissent apparaître une tendance inverse. En passant de 2,877 milliards en 2008 à 2,841 milliards d’euros en 2009 (hors crédits de la recherche, soit à périmètre constant), les crédits budgétaires de la mission Culture diminueraient au contraire de 1,6 %, hors inflation. Lors de sa conférence de presse du 26 septembre, Christine Albanel a, par ailleurs, omis de communiquer sur les projections de programmation pluriannuelle, pourtant présentées à Bercy, qui donnent un budget de la Culture en diminution de 5,35 % sur la période 2008-2011 (voir tableau).
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Baisses patentes
Si la Rue de Valois peine donc à admettre l’évidence, certaines baisses de crédits budgétaires sont pourtant patentes. Le secteur le plus touché est le patrimoine monumental, qui accuse une perte de près de 20 % (282 millions d’euros). Pour limiter l’hémorragie, une affectation de 20 millions d’euros prélevée sur le produit des cessions immobilières de l’État a cependant été promise, tout comme la création d’une ressource extrabudgétaire à l’horizon 2010, provenant des recettes des paris en ligne, qui serait en cours d’expertise avec Bercy. Christine Albanel a également confirmé que les avantages fiscaux liés au régime des monuments historiques protégés ne seraient pas plafonnés. Les musées accusent également une forte baisse de leur dotation (- 13 %) avec 335 millions d’euros, alors que l’enveloppe allouée aux acquisitions progresse de près de 5 % avec 19,5 millions d’euros. Un effort particulier sera exigé des établissements publics – comme de tous les opérateurs du ministère – qui voient leur dotation diminuer, pour certains, de 3,5 à 4,5 %. Cette baisse des moyens alloués aux opérateurs vise à favoriser un rééquilibrage en faveur des territoires en augmentant de 3,3 % les moyens des directions régionales des Affaires culturelles (DRAC), ce qui permettra avant tout d’apurer leurs dettes. Si la ministre a indiqué avoir transmis des « propositions en début de semaine au Premier ministre », la gratuité des musées nationaux n’est en revanche pas à l’ordre du jour pour ce budget. Notons que les arts plastiques sont l’un des rares secteurs à bénéficier d’une hausse de crédits ( 8 %, soit 59 millions d’euros). L’effort portera principalement sur l’achèvement du programme des Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) de seconde génération et sur l’implantation d’un espace dédié à la scène française dans les sous-sols du Palais de Tokyo, pour lequel la ministre a tranché (lire l’encadré). En matière de grands travaux, plusieurs projets – pourtant remis en cause l’an passé (lire le JdA n° 266, 5 octobre 2007) – vont bénéficier de crédits significatifs afin d’être achevés pour 2012, soit à la fin du mandat présidentiel : le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille, le Centre des archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) et surtout la Philharmonie de Paris. Cette dernière, qui devrait être financée grâce à un partenariat public-privé (PPP), bénéficiera de 140 millions d’euros auxquels s’ajoutera une ressource extrabudgétaire. En revanche, le Quadrilatère Richelieu devra encore attendre, les travaux lourds n’étant pas prévus avant 2010. « Nous avons été amenés à étaler le calendrier pour pouvoir tout faire », a expliqué la ministre. Aucune ligne budgétaire n’est par ailleurs prévue pour les projets de l’Île Seguin, en cours de réexamen par la nouvelle municipalité de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Christine Albanel a enfin annoncé que les mesures fiscales de son « Plan de relance du marché de l’art » (déduction fiscale du prix d’achat d’œuvres d’artistes vivants élargie aux entreprises individuelles et aux professions libérales ; prêts sans intérêts pour les particuliers plafonnés à 4 000 euros ; crédit d’impôt pour les professionnels) – faisant suite au rapport Bethenod – seront mises en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2008, avec effet au 1er janvier 2009.

Palais de Tokyo : le ministère reprend la main

Oui mais... Christine Albanel a sonné la fin de la partie entre le Centre Pompidou et le Site de création contemporaine du Palais de Tokyo. La ministre a certes rendu un arbitrage favorable en faveur de l’implantation d’un lieu consacré à la scène française dans les sous-sols du Palais de Tokyo, mais elle a aussi profité de cette annonce pour recadrer les ambitions du Centre Pompidou. C’est bien le ministère qui pilotera le dossier, via la Délégation aux arts plastiques, qui devra faire des propositions de « statut juridique, de montage financier, de programmation architecturale et d’hypothèses de programmation artistique », en étroite collaboration avec le président du Centre. L’idée serait de créer un organisme associé au Centre Pompidou, sur le modèle de l’Ircam et de la BPI, qui jouissent d’une autonomie relative. L’enveloppe financière est d’ailleurs suspendue à ces propositions, attendues pour avril 2009. Seul 1 million d’euros sera débloqué pour financer les études sur la période 2009-2010, les travaux ne devant démarrer, au mieux, qu’en 2011.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : La baisse est amorcée

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