L’« archi-star » Stefano Boeri en pleine tourmente judiciaire

Milan. Nouvelle tuile judiciaire pour l’archi-star italien Stefano Boeri. Le parquet de Milan a demandé son assignation à résidence dans le cadre d’une enquête sur le trucage de l’appel d’offres pour la conception de la future Bibliothèque européenne d’information et de culture (Beic) à Milan [voir ill.].

« Je suis surpris et très contrarié, a réagi Stefano Boeri. J’attends avec confiance la rencontre avec le juge des enquêtes préliminaires pour clarifier enfin ma position. » Elle a eu lieu le 4 février. Un interrogatoire préliminaire qui concerne également deux autres architectes parmi lesquels Cino Paolo Zucchi. Ils sont soupçonnés de corruption et d’abus de pouvoir en tant que commissaires du concours local organisé en 2022 pour le chantier de la Beic. Le projet remonte à la fin des années 1990 et accusait de sérieux retards en raison de la surface concernée (86 000 mètres carrés initialement) et du dérapage des coûts estimés (entre 227 et 260 millions d’euros aujourd’hui contre 152 millions d’euros prévus). Il est relancé en 2022 pour réhabiliter la zone de 30 000 m² qui couvre l’ancienne gare de triage à Porta Vittoria en bénéficiant du financement du plan européen de relance post-Covid à hauteur de plus de 100 millions d’euros. Les travaux devraient être achevés en 2026 pour édifier deux immenses « serres » en verre qui abriteront 25 millions d’ouvrages.

Selon le juge chargé de l’enquête, Stefano Boeri aurait truqué le concours en omettant de déclarer des « positions de conflit d’intérêts potentiel » et des « situations d’incompatibilité » à l’égard des participants. Le nom de l’architecte de 68 ans, directeur du studio Stefano Boeri Architetti, qui dispose de bureaux à Milan, Shanghaï et Tirana (Albanie), apparaît désormais surtout dans les chroniques judicaires de la presse italienne. Il est accusé par la justice de « lotissement abusif » et de construction illégale pour le projet qu’il a signé et appelé « Bosconavigli ». Un projet de 9 appartements de luxe répartis sur 12 étages qui devrait voir le jour dans le quartier historique de San Cristoforo, au sud-ouest de Milan. De nombreuses irrégularités ont émergé : de l’absence du nécessaire « plan d’exécution » pour ouvrir le chantier à la hauteur de la tour qui atteint 41 m, dépassant la limite de 25 m qui permet de se passer du plan d’exécution. Le projet n’a enfin pas fait l’objet d’une délibération du conseil municipal de Milan mais d’un simple accord devant un notaire entre le promoteur privé et un responsable municipal.

Une fin de carrière émaillée de scandales pour l’ancien président de la Triennale de Milan. Il enseigne le design urbain à l’École polytechnique de la capitale lombarde et a été de 2011 à 2013 conseiller municipal pour la culture. Mais c’est surtout son projet de renouvellement urbain du quartier milanais de Porta Nuova baptisé « Bosco Verticale » qui lui a assuré une notoriété internationale en 2014. Plus de 20 000 plantes et arbres, soit l’équivalent de deux hectares de forêt, avaient été installés sur deux tours hautes de 76 et 112 m. Une « forêt verticale » qui a fait des émules avec des dizaines de projets similaires imaginés dans le monde de la Suisse à la Chine et du Brésil à l’Albanie.