Klein : sous les événements, la vie

Ce coffret de trois films de William Klein permet de repérer, derrière la diversité des sujets (Mohammed Ali, Mai 68, Roland Garros 81), une même volonté de réinjecter l’événement (un KO sur un ring, une voiture qui brûle, un passing-shot victorieux) dans un continuum dont la règle serait : soit tout est spectaculaire, soit rien ne l’est. La parole et la bande-son guident les mouvements de caméra (occasions de belles, et comme fortuites, compositions plastiques) et le montage. De façon évidente, avec la fureur verbale d’Ali ; déjà plus mystérieuse quand, parmi les manifestants de 68, il s’agit de se frayer un chemin, stopper près d’un groupe informel puis le quitter, au milieu d’une phrase, dès que le débat s’épuise sur les conditions mêmes du débat ; de façon absolument poétique enfin à Roland Garros, où une bribe, un « Par ici ! » d’un jeune garçon fait écho, on ne sait pourquoi, à telle couleur, tel contre-jour, tel mouvement entraperçu. Le récit progresse lentement, par micro boucles enchâssées. Il n’est pas hasardeux que William Klein soit le père de la série Contacts, dont un bonus nous offre le pilote de 1988. Dans ce choix de présenter, via la planche contact, les sœurs d’une photographie, se devine à nouveau ce refus qu’un instant isolé, spectaculaire, ne l’emporte dans la mémoire sur la réalité intégrale qui l’a préparée. Sur certaines, « il n’y a que des réflexes, et puis, une photo ; sur d’autres au contraire on pourrait en faire mille, ça n’a pas d’importance puisque tout est bon ». Entre les deux se faufile un peu de réalité, ou d’art, c’est selon.