Disparition

Kelley s’en va brutalement

Exigeant et généreux, l’artiste Californien a joué un rôle majeur pour la scène de la Côte ouest.

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 14 février 2012 - 480 mots

LOS ANGELES - Terme d’une carrière entamée en 1979, la disparition de Mike Kelley, retrouvé mort à son domicile de Los Angeles le 31 janvier, à l’âge de 57 ans, marquera pour longtemps la scène artistique mondiale.

Au-delà de son talent, sa constante curiosité doublée d’une capacité à repérer et fédérer les talents a fait de lui le porte-drapeau d’une génération d’artistes californiens, celle des Raymond Pettibon et consorts, qu’il a contribué à révéler et accompagner. « Il avait un rapport très sensible à son travail mais aussi à celui des autres », confie Yves Aupetitallot, directeur du Magasin de Grenoble, qui lui consacra une exposition en 1999. « Il provoquait des réactions similaires à celles d’une rock star », note pour sa part la galeriste Catherine Bastide, qui en 1993 organisa avec Anne Pontégnie, à l’hôtel Empain à Bruxelles, une confrontation avec Franz West, autre monstre sacré.
L’exigence du personnage est une caractéristique récurrente dans les souvenirs de ceux qui l’ont côtoyé : « Il était très exigeant mais en tirant tout le monde vers le haut, car il était généreux avec sa connaissance », témoigne Anne Pontégnie, qui fut aussi l’instigatrice de sa rétrospective au Wiels, à Bruxelles, en 2008. Tous rappellent sa profonde érudition. Pour Catherine Bastide, « il était un anthropologue de notre temps, curieux de tout et doué en tout », détenant une grande connaissance de l’histoire de l’art mais aussi de la production intellectuelle et scientifique du siècle, comme de la musique ou de la bande dessinée…

Au-delà d’une parfaite maîtrise de son travail plastique, Kelley était précis à tous les niveaux de la chaîne de travail : création, production, conception des expositions, accrochage des installations… Bien qu’aucune grande institution hexagonale n’ait à ce jour jugé utile de lui consacrer une exposition d’envergure, Mike Kelley a régulièrement été vu en France, à la galerie Ghislaine Hussenot notamment, qui lui a consacré six expositions entre 1990 et 2009. En 2003, aidé de son complice Paul McCarthy, ils bouleversent le public de la Biennale de Lyon avec un vaste camp militaire dont les occupants sont soumis à de permanentes vexations (Sod and Sodie Sock). Élevé dans un milieu ouvrier et conservateur à Detroit (Michigan), il développe une allergie consommée pour les contraintes liées aux différentes formes de pouvoir. De là il se lance, à partir de 1995, dans le vaste projet « Educational Complex », où sont recensées par le biais de  maquettes toutes les écoles qu’il a fréquentées.

En 1993, c’est l’exposition « Uncanny », dans le cadre de « Sonsbeek ’93 » à Arnhem (Pays-Ba)s, qui révélait une manière inédite. Ses assemblages hétéroclites de choses banales et familières sont mis en scène dans un appareillage muséographique et scientifique provoquant le malaise. Il montrait là sa force : explorer les arcanes de l’inconscient individuel et collectif sans jamais céder à la facilité d’un pseudo-discours psychologique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Kelley s’en va brutalement

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