Je ne suis plus un étudiant

Les post-diplômes d’art en France

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 8 février 2002 - 974 mots

Remarqués ces dernières années grâce au succès de leurs “anciens élèves”?, les post-diplômes en art de Nantes, Marseille et Lyon cherchent, entre formation et aide à la création,
le juste milieu pour consolider l’expérience
de jeunes artistes.

“La question principale d’un post-diplôme est : comment arriver à favoriser et consolider des expériences artistiques prometteuses ?”, explique le critique et enseignant Jean-Pierre Rehm. Accompagné de l’artiste Niek van de Steeg, il a mis en place, il y a trois ans, le post-diplôme de l’École nationale des beaux-arts de Lyon (Enbal). Chaque année, cinq artistes sont sélectionnés par l’école et bénéficient, en plus d’une bourse de 3 000 euros, d’un logement à Lyon, des infrastructures de l’école (ateliers de sérigraphie, de vidéo) et de l’organisation de rencontres et de voyages. Yokohama ou Los Angeles figurent ainsi parmi les destinations qui donnent lieu une fois sur place à des expositions, des travaux et contacts avec des acteurs locaux. Ce programme, conduit conjointement cette année avec l’artiste Marie José Burki, est venu en 1999 s’ajouter à ceux, largement comparables, de l’École supérieure des beaux-arts de Marseille (Esbam) et de l’École régionale des beaux-arts de Nantes (Erban). Chacune à leur manière, ces dernières poursuivent des expériences singulières, récemment mises en lumière par l’actualité.
En 1999, au Lieu Unique à Nantes, l’exposition “Actif/Réactif” se focalisait sur la scène locale et faisait la part belle aux artistes passés par le post-diplôme de l’Erban. Inauguré en 1991, celui-ci jouit d’une honorable liste d’anciens qui, de Saâdane Afif à Bruno Peinado, en passant par Mathieu Mercier ou Alain Declercq, est aujourd’hui considéré comme tenant le haut du pavé. Bien que leur réussite soit dépendante de l’implication et de la qualité de leurs participants, le bien-fondé de cette formation ne semble plus à démontrer. Dépassant le simple cadre hexagonal, elle est aussi une ouverture bienvenue pour des artistes étrangers. En rupture avec la formation académique roumaine, Mircea Cantor a ainsi trouvé un paysage accueillant à Nantes. Aujourd’hui installé dans la ville, il conserve de cette année le souvenir de nombreuses rencontres et d’une aide importante pour la production de travaux par le biais des ateliers de l’école. “D’un point de vue matériel, je pense que c’est quelque chose d’assez comparable à une résidence artiste. Je parle cinq langues et l’aspect international du post-diplôme est important. Très complet, le programme nous a permis de travailler ensemble, d’inviter des intervenants et de voyager.” Avec une bourse, qui était alors d’environ 760 euros par mois, le post-diplôme nantais reste sans doute l’un des plus généreux.
“La logique déclinante de l’atelier et le petit nombre d’étudiants retenus permet de mettre l’accent sur des croisements et des déplacements. Le post-diplôme de Lyon n’est pas une résidence, tient à préciser Jean-Pierre Rehm. Il y a une exigence dans le suivi des travaux et des rencontres faites par les étudiants. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une sixième année, arrivant après le Diplôme national d’études supérieures en arts plastiques (Dnsep). La pédagogie doit se construire au regard des travaux des artistes qui y participent.” Le rôle joué par le corps enseignant dans cette année semble en effet aussi décisif que l’interaction entre les “élèves”. “C’est l’occasion de retrouver un lieu de débat. En dehors de l’espace scolaire, les jeunes artistes n’ont plus de retours réels sur leurs travaux, de retours en termes de discussion et de critiques. Internet permet de retrouver cette qualité-là sans lieu fixe”, insiste Paul Devautour. D’un nouveau genre, le post-diplôme de l’Esbam, qu’il coordonne pour la deuxième année, a pris l’intitulé gentiment conspirateur de “Collège invisible”. De janvier à décembre, les sessions du Collège se déroulent par le biais d’Internet, émaillées de quelques rencontres physiques, facétieusement baptisées “sessions unplugged”. L’année dernière, elles se sont déroulées à Paris, Marseille et Genève, tentant à chaque fois de multiplier les expériences entre les milieux scolaires, institutionnels, ou privés. “L’intérêt d’une telle méthode est aussi que chacun peut continuer à mener ces activités professionnelles, la bourse de 25 000 francs [3 811 euros] ne permettant évidemment pas de subvenir à tous les besoins”, poursuit Paul Devautour.
Soutien financier, pédagogie, aide à la production et aux expositions, on aura compris que les post-diplômes revêtent en France un rôle déterminant, qui est aussi joué par d’autres établissements comme le Pavillon, unité pédagogique du Palais de Tokyo dirigée par Ange Leccia (lire le JdA n° 135, 26 octobre), ou le programme de recherche de l’École nationale des beaux-arts de Paris, pour un temps suspendu. Dans tous ces cas apparaît en filigrane la question plus large de la validation de ces formations par un titre de troisième cycle. Encore mince, malgré des développements récents, les passages entre l’Université et les écoles d’arts trouvent-là une possibilité d’approfondissement, actualisée par le protocole d’accord entre les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture (lire le JdA n° 141, 25 janvier 2002). “Il faut positionner les pratiques artistiques au même titre que les pratiques théoriques”, juge à juste titre Arlette Despond-Barré, inspectrice aux enseignements artistiques. Les écoles d’Angoulême et de Poitiers ont d’ores et déjà lancé un DEA en images numériques. Dans un champ voisin, la rentrée 2002, sous réserve d’habilitation, devrait voir la mise en place d’un DESS “Arts de l’exposition”, coordonné par Catherine Perret du département de philosophie de l’université de Nanterre (Paris-X), en partenariat avec le Centre national des arts plastiques (Cnap) et le Centre Pompidou. Enfin, si des équivalences sont envisagées pour les post-diplômes afin de permettre aux étudiants de poursuivre une carrière universitaire, ils ne doivent pas remettre en jeu le pourquoi de ces programmes : le soutien de jeunes artistes.

- Le collège invisible présente ses activités sur Internet : www.college-invisible.org Les travaux des étudiants en post-diplôme à Lyon cette année seront présentés à Paris au Centre national de la photographie (tél. 01 53 76 12 32) du 3 juillet au 26 août.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°142 du 8 février 2002, avec le titre suivant : Je ne suis plus un étudiant

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