La fédération Federculture dresse un bilan inquiétant et appelle à une mobilisation générale.
Rome. « Le Mibact [ministère des Biens et Activités culturels et du Tourisme] est le plus important secteur du ministère italien de l’économie », assurait le ministre Dario Franceschini en prenant ses fonctions en 2014. « Il doit devenir le ministère le plus important d’un nouvel État-providence », lui demande désormais Andrea Cancellato, le président de Federculture, qui fédère les plus grands opérateurs culturels en Italie. « Celui qui replacera la culture comme élément clef de la vie en communauté et le plus important de notre formation. » C’est ainsi qu’Andrea Cancellato a introduit la présentation du XVIe rapport de Federculture sur l’état du monde de la culture en Italie. La crise sanitaire et économique provoquée par le Covid-19 ne fait qu’aggraver une crise plus profonde.
Depuis l’an 2000, les subventions allouées à la culture ne cessent de diminuer. Celles allouées par les communes et les Régions ont chuté respectivement de 27 % et 23 %. Seul le Mibact a augmenté ses financements, de 11 %. Cela n’a pas empêché une réduction générale des ressources publiques de 1 milliard d’euros, les faisant passer de 6,7 milliards d’euros en 2000 à 5,7 milliards d’euros en 2018. Une baisse qui s’accompagne de celle de la fréquentation du public dans les lieux culturels au cours de la dernière décennie. Les salles de théâtre ont ainsi enregistré une chute de 8,8 % du nombre de leurs visiteurs, tout comme les salles de cinéma avec une contraction de 6,1 %, ou encore les salles de concert avec – 4,9 %. Contraction également du nombre de lecteurs avec une baisse de 13,4 % du nombre d’Italiens âgés de plus de 6 ans lisant au moins un livre par an, et jusqu’à – 20 % dans le centre et le sud du pays.
En revanche, musées, expositions et sites archéologiques ont connu un succès croissant. Près de 55 millions de personnes ont franchi les portes d’un musée national en 2019 contre à peine plus de 30 millions dix ans plus tôt. Pour Umberto Croppi, le directeur de Federculture, c’est le résultat des crédits d’investissement accordés par le Mibact à ces lieux, ainsi que de la large autonomie qui leur a été octroyée par la réforme de 2014, permettant une meilleure gestion. « C’est la preuve que lorsque des efforts sont faits sur la gouvernance et que des crédits d’investissement sont débloqués, cela donne des résultats », soulignent les auteurs du rapport qui espèrent « que d’autres secteurs du monde de la culture en bénéficieront aussi pour leur offrir d’importantes perspectives de croissance ».
Ces « perspectives de croissance » s’éloignent, selon les opérateurs du secteur qui n’envisagent pas à moyen terme un retour à la situation pré-pandémie. 70 % d’entre eux déclarent que la perte de leur chiffre d’affaires sera cette année supérieure à 40 %. La moitié d’entre eux annoncent déjà une réduction de leurs activités et 73 % redoutent une baisse ultérieure des financements publics. Si la moyenne de la dépense publique pour la Culture dans l’Union européenne est de 2,5 % du PIB, elle n’est en Italie que de 1,6 %. « L’investissement dans la culture est crucial », assure pourtant Dario Franceschini, qui rappelle que « l’État a débloqué 9 milliards d’euros » pour affronter les graves conséquences du coronavirus. « Comme les villes sont tristes avec les cinémas, les théâtres et les musées fermés ! », s’est désolé le ministre.
Plus que des messages d’espoir, le secteur attend des gestes concrets. « Il faut mobiliser toutes les ressources possibles, tant publiques que privées, réclame Andrea Cancellato, le président de Federculture ; étendre tous les avantages fiscaux comme l’Art Bonus [crédit d’impôt de 65%], lancer une vaste campagne de numérisation des archives et du patrimoine national, mais aussi moderniser les infrastructures culturelles du pays pour permettre un meilleur accueil des visiteurs et un plus grand respect des normes environnementales. » Il déplore ainsi que, dans la liste des 100 musées les plus visités au monde, le premier musée italien, les Offices de Florence, ne se situe qu’à la 26e place.
Marche de l’art. Les antiquaires italiens obtiennent gain de cause. Ils réclamaient depuis longtemps la suppression du « seuil minimal de valeur » fixé par le précédent ministre de la Culture Alberto Bonisoli en 2018 pour l’exportation d’œuvres d’artistes morts réalisées il y a plus de soixante-dix ans. Pour des objets d’une valeur inférieure à 13 500 euros, il ne sera plus nécessaire d’obtenir un certificat d’autorisation de la part des autorités. Un simple certificat établi par soi-même suffira. Une mesure qui exclut les biens archéologiques, les éléments de monuments, les manuscrits et les incunables. « Cela va faciliter notre travail et le simplifier, commente l’association italienne des antiquaires. Cela permettra de proposer sur les plateformes Internet des objets à des prix raisonnables, ce qui va nous ouvrir des marchés plus vastes. Le service exportation du Mibact pourra en outre se consacrer à d’autres tâches. Dans d’autres pays européens, les seuils minimaux de valeur existent également, notamment de 100 000 euros pour des toiles et de 50 000 euros pour les sculptures. Mais la bureaucratie y est moins lourde qu’ici. » L’association nationale des maisons de ventes se félicite également de cette décision. Elle déplorait « les temps bibliques requis pour que les dossiers d’exportation soient traités par l’administration pour des objets qui ne sont même pas d’une grande valeur économique ou artistique ».
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Italie, la culture était mal en point avant le Covid-19
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°555 du 13 novembre 2020, avec le titre suivant : Italie, la culture était mal en point avant le Covid-19