Isabelle Lévénez

Quand on lui en a fait l’observation, voilà une bonne dizaine d’années, n’avait-elle jamais vraiment pris conscience de la chose ou a-t-elle feint son ignorance ? L’histoire ne le dira sans doute pas et c’est très bien comme ça. Il reste que, ce jour-là, quand on lui mit le nez sur le fait que ses initiales renvoyaient à cet autre masculin que désigne le prénom personnel « il », elle en fut complètement bouleversée.
La vingtaine à mi-temps, l’artiste n’en était alors qu’à ses balbutiements mais déjà toute entière préoccupée par l’autre dans une confusion des genres qui ne tenait pas compte d’une identité proprement sexuée.
L’être en tant que tel était le sujet de son travail, lequel prenait forme dans le dessin, la vidéo et l’installation. Si, par la suite, celui-ci s’en alla quérir notamment du côté d’une mémoire de l’enfance, il s’appliqua de plus en plus à mettre en exergue la relation entre « il » et « elle ». Question de double et de cette projection existentielle – sinon narcissique – de l’un en l’autre.
Longtemps, Isabelle Lévénez sollicita cet autre pour le mettre en jeu dans les scènes souvent extrêmes qu’elle imaginait, le poussant toujours plus en avant dans ses retranchements. Depuis que la vidéo lui permet de se filmer elle-même tout en se voyant à l’écran numérique de sa caméra, c’est elle qu’elle met en scène. Son travail y a éminemment gagné quelque chose d’une tension et d’une présence redoublée.