Imbrications artistiques

Le Boijmans inaugure une nouvelle aile

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2003 - 817 mots

Fondé au milieu du XIXe siècle, le Museum Boijmans van Beuningen de Rotterdam est installé depuis 1935 dans un bâtiment à l’architecture traditionaliste, qui s’est enrichi d’ajouts successifs à mesure que le musée voyait ses collections s’étoffer et ses conservateurs se préoccuper de l’art moderne et contemporain. Inaugurée en mai, la nouvelle aile du musée enlace l’édifice existant pour lui offrir 5 000 m2 d’espaces supplémentaires.

Une galaxie avec des nébuleuses, des astres et des constellations au milieu desquelles le visiteur navigue, une télécommande de jeux vidéo entre les mains... Dans la vidéoprojection qui lui fait face, chaque planète est un des 117 404 numéros d’inventaire, et les sauts se font d’orbite en orbite, d’une période à l’autre.
L’étrange catalogue cartographique que le Museum Boijmans van Beuningen de Rotterdam a déployé à l’occasion de sa réouverture est à l’image d’une institution qui se plaît à frictionner les époques et les domaines qu’elle couvre, du XIVe siècle à nos jours, en laissant une large place aux arts appliqués.
À la pointe de la médiation culturelle, son Digital Depot, fraîchement inauguré, dévoile les œuvres derrières des vitrines interactives activées par les doigts : Bertrand Lavier n’est pas loin de Pieter Saenredam, et Robert Gober, juste en dessous de Rubens. À l’étage supérieur, dans les salles de peintures anciennes du musée, le sol a été creusé pour que Maurizio Cattelan puisse, par le biais de son mannequin, se frayer une place dans l’histoire de l’art. Il n’est pas le seul à agir de la sorte puisque les Western Stylemaster de Ger van Elk introduisent le siècle d’or. David Claerbout a, lui, été invité à s’immiscer parmi les ténors du paysage. Avec Borculoseweg, Ruurlo, 1910 (1997), le vidéaste réveille une carte postale par l’animation des arbres, la plaçant dans la suite des pastorales du XVIIIe et XIXe siècle. En face, ses toutes récentes Venice Light Boxes, vues nocturnes de la cité lacustre, révèlent leurs analogies avec Canaletto dans le même temps que la vision s’habitue à la pénombre dans laquelle les œuvres sont plongées.
Ces imbrications, cultivées avec soin par Chris Dercon – l’ancien directeur du musée, qui n’a toujours pas été remplacé après son départ pour la Haus der Kunst de Munich –, ne sont pas sans trouver un curieux écho dans l’architecture d’un bâtiment modelé par des ajouts et ajustements. Originellement ouverte en 1849 dans le Schielandhuis – devenu depuis le musée historique de Rotterdam –, l’institution n’est rentrée dans ses murs actuels qu’en 1935. À observer les accents traditionalistes de l’ensemble, l’architecte Ad van der Steur (1893-1953) avait visiblement peu à voir avec ses compatriotes contemporains de De Stijl. Le Boijmans tournera d’ailleurs le dos un bon moment à la création contemporaine. Fondé sur les collections du riche avocat F. J. O. Boijmans (1767-1847), il s’enrichit en 1958 grâce aux dons du magnat D. G. van Beuningen. Entre 1910 et la 1945, le musée profite de la croissance du port, mais se consacre quasi exclusivement aux périodes anciennes et aux arts appliqués. En 1972, l’architecte Alexandre Bodon lui adjoint une aile respectueuse d’une des rares constructions rescapées des bombardements de 1940, permet à l’art moderne de trouver une place permanente dans le dispositif. À partir des années 1960, sous l’impulsion d’un de ses conservateurs, Renilde Hammacher, Rotterdam accueille dans ses collections quelques chefs-d’œuvre du surréalisme, faisant entrer aux Pays-Bas un mouvement jusque-là stoppé à la frontière belge, et profite de la collection d’Edward James acquise en 1979. L’accent est alors mis sur le contemporain et, depuis 1991, le pavillon Van Beuningen-De Vriesse permet l’organisation d’expositions temporaires.
Inaugurée en mai, la nouvelle aile signée par les Gantois Paul Robrecht et Hilde Daem – auteurs, entre autres, de l’aménagement du bâtiment de la collection Hauser & Wirth à Saint-Gall – vient, elle, compléter l’ensemble en lui adjoignant 5 000 m2, partagés entre bibliothèque, boutique, bureau et espaces d’exposition. Entourant sur trois faces la construction de Bodon, l’aile déborde sur la rue par une sobre façade de verre et de béton. Espaces précisément où se déploie actuellement un
“Parti pris” des collections, prolongeant la ligne chronologique des collections permanentes, s’arrêtant jusqu’alors en 1930. Sous la forme d’une exposition temporaire, “The Origin of Things” donne à côté un aperçu de la richesse des collections de design du musée, envisagées sous l’angle de leur conception. Mais dehors, dans la cour du musée réutilisée depuis le réaménagement, tout déborde déjà. Une Mercedes transformée en véhicule d’assaut par l’Atelier Van Lieshout a été garée devant les escaliers tandis que le mur de verdure dressé par Olafur Eliasson déploie ses senteurs.

MUSEUM BOIJMANS VAN BEUNINGEN

THE ORIGIN OF THINGS, jusqu’au 27 juillet ; RICHARD HAMILTON/IMAGING ULYSSES, jusqu’au 31 août ; OLAFUR ELIASSON/SCENTWALL, jusqu’au 31 août ; ROTTERDAM DESIGN AWARD, jusqu’au 27 juillet, Museumpark 18-20, Rotterdam, tlj sauf lundi, 10h-17h, dimanche et vacances scolaires 11h-17h, www.boijmans.nl. Au départ de Paris, informations Thalys 08 92 35 35 36, www.thalys.com

Un quartier peuplé

Outre le Boijmans van Beuningen, Rotterdam s’est imposé ces dernières années comme un lieu phare pour la création contemporaine. Toute proche, la Kunsthal de Rotterdam vaut la visite, autant pour ses expositions que pour son bâtiment conçu par Rem Koolhaas, tout en dénivelés et effets de manche “supermodernes”?. Actuellement, l’institution consacre une rétrospective au photographe Martin Parr et présente les travaux sculpturaux d’Isamu Noguchi (respectivement jusqu’au 31 août et 7 septembre). À proximité, le centre d’art de Witte de With, dirigé par Catherine David (l’un des commissaires de la Biennale de Venise), propose le deuxième volet de son cycle “Représentations arabes contemporaines”? (jusqu’au 27 juillet) en se focalisant sur Le Caire à travers les vidéos de Hassan Khan, les photographies de Randa Shaath des constructions nichées sur les toits de la métropole, ou les dessins de presse de Golo. - Kunsthal, Museumpark, Westzeedijk 341, Rotterdam, tél. 31 10 440 03 00, tlj sauf lundi, 10h-17h, dimanche et vacances scolaires 11h-17h, www.kunsthal.nl - Witte de With, Witte de Withstraat 50, Rotterdam, tél. 31 10 411 01 44, tlj sauf lundi, 11h-18h, www.wdw.nl

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°174 du 27 juin 2003, avec le titre suivant : Imbrications artistiques

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