Dans la démarche de Laurent Fétis, la méthode de travail prime sur l’idée de style.
Laurent Fétis
Du graphisme à la communication visuelle
Elle place le dialogue avec le commanditaire à l’origine d’une approche expérimentale qui donnera lieu au cahier des charges ou au programme, pour reprendre les termes de l’architecte dont il possède la formation. Dès 1999, il assume la fonction de directeur artistique pour Radio FG. Si la musique a été son domaine de prédilection, ce territoire s’est étendu à l’art contemporain : catalogue des expositions “ZAC 99” et “Voilà” pour le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, journal de “Au-delà du spectacle” et, récemment, la signalétique de la rétrospective “Raymond Hains” au Centre Pompidou. Son travail, qu’il revendique en qualité d’auteur, a croisé également le cinéma avec la toute récente collaboration au film de Roman Coppola, CQ, en salles à l’automne prochain. Pour l’heure, il prépare un catalogue pour les frères Bouroullec et la campagne de la marque Bless qui sortira sous peu en France.
Laurent Fétis a vingt-neuf ans.
Il vit et travaille à Paris.
Formation : École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris.
Franck Tallon
La gesticulation visuelle
Franck Tallon n’a peur ni des mots ni des images. Il les manipule en des compositions denses, occupant l’espace de manière à laisser le “lecteur” faire le choix de son information. Surenchère, pourrait-on croire ? Non, plutôt affluence des données qu’il juge nécessaires à une communication graphique efficace. L’acte de la lecture, de la consultation, relève pour lui d’une démarche participative où la question formelle se donne sans recette. Pour preuve, le calendrier des expositions de la Région Aquitaine réalisé en 1999, ainsi que le visuel générique de la manifestation “Mutations”, d’Arc en Rêve, à Bordeaux. Comment s’opère l’organisation de ces “ensembles” ? À l’instar d’un chef d’orchestre, qui parvient à un tout en harmonisant des singularités. Pour l’actualité : la sortie du numéro 2 de la revue IN-EX, le catalogue raisonné du Frac Aquitaine, et un travail de dialogue étroit avec l’artiste Michel Herreria qui donnera lieu à un journal.
Franck Tallon a trente-trois ans.
Il vit et travaille à Bordeaux.
Formation : École des beaux-arts de Bordeaux.
Verdet/Lakits
Philippe Lakits et Martin Verdet
Aller à l’essentiel
Cette formule fait office de manifeste tant le désir de s’éloigner d’une image prisonnière du narratif ou du décoratif est dominant. Tout en refusant l’option du regardeur-cobaye malmené par l’imagerie publicitaire, s’ils ont choisi l’univers artistique (institutions culturelles), c’est pour la qualité de ses échanges et l’exigence de ses images. La simplicité d’un alphabet graphique au service de l’information, évitant le slogan, reste un mot d’ordre de leur travail. Le message typographique, pivot, à leurs yeux, de leurs compositions, use du noir et d’un éventail restreint de couleurs franches. Et les éventuelles photographies fournies par les commanditaires sont traitées comme un fond qui laisse au texte la première place. Parmi leurs réalisations, les travaux pour l’Association française d’action artistique (Afaa) et la Ferme du Buisson sont les plus emblématiques de leur démarche. Dernièrement, à leur actif : le catalogue de l’exposition “Signes, de la jeune création graphique en France” pour le Centre Georges-Pompidou, et la charte graphique du Centre culturel multimédia d’Issy-les-Moulineaux.
Philippe Verdet et Martin Lakits ont respectivement trente et un et trente-six ans.
Ils vivent et travaillent à Paris.
Formation : École supérieure d’arts graphiques, Paris.
Ich et Kar
Helena Ichbiah et Piotr Karczewski
Des fragments d’univers
Ich et Kar se définissent avant tout comme des “concepteurs” d’images. De la réalisation de films au travail photographique, en passant par la composition graphique, ils investissent l’ensemble des métiers. S’il fallait définir un fil conducteur pour l’ensemble de leurs projets, au service de la publicité, de la mode ou de la musique, on pourrait parler de “création d’univers”. Univers onirique, où l’histoire racontée veut nous plonger dans la contemplation. Pour référence, les personnages ailés de la campagne de presse pour Marithé & François Girbaud ou le buste-flacon du parfum de Jean-Paul Gaultier dans sa forêt de bambou. Chacune de ces icônes contemporaines porte sa singularité en flambeau. Le couple poursuit actuellement un travail de commande à long terme engagé avec un bar londonien pour un projet de calendrier mensuel. Suivront la conception de la pochette du disque de Rashid Taha, la direction artistique du numéro 13 de Minimix et, à la fin de l’année, la publication d’Histoires du graphisme (éditions Minimix), un ouvrage, fruit de la collaboration avec les agences Geneviève Gauckler, Philippe Millot et Pif.
Helena Ichbiah et Piotr Karczewski ont respectivement trente-trois et trente-quatre ans.
Ils vivent et travaillent à Paris.
Formation : École de communication visuelle, Paris, et École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris.
Geneviève Gauckler
La loi de l’équilibre
Les couleurs, les formes et les matières sont pour Geneviève Gauckler des outils. Et elle les manipule avec aisance d’un territoire à l’autre : de l’affiche au fanzine en passant par le film et le support numérique. Elle reconnaît volontiers l’influence du Kawaï japonais, proche d’une imagerie enfantine édulcorée à l’innocence équivoque. Ses pictogrammes réalisés pour le site Internet boo.com à Londres en sont la parfaite illustration. Des formes toujours hybrides, aux couleurs acidulées, agencent une organicité graphique, où les mots, s’y ajoutant, viennent servir un souci d’équilibre. Le “principe décoratif” n’est pas rejeté, bien au contraire, il est utilisé comme gage d’efficacité. Geneviève Gauckler vient, pour Brigitte Fontaine, de réaliser une pochette de disque, ainsi qu’un clip vidéo et un site Internet qui nous fait circuler dans un théâtre de saynètes légères et drolatiques aux accents baroques particulièrement convaincants.
Geneviève Gauckler a trente-trois ans.
Elle vit et travaille à Paris.
Formation : École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris.
Rik Bas Backer
Sans recette, mais riche de signes
Des Pays-Bas, dont il est originaire, Rik Bas Backer a rapporté la volonté d’inscrire le travail avec ses commanditaires dans la durée afin de parfaire, au fil de l’évolution des techniques et des images, leur identité respective. Ses principaux partenaires, l’Institut néerlandais et la marque APC, l’ont compris. Dans ses travaux se devine la forte emprise du contexte urbain et la sollicitation permanente du spectacle qu’il offre. Mises bout à bout, ses productions sont l’écho de ce regard kaléidoscopique porté sur la ville. Source intarissable, riche de signes et de symboles, c’est la cité moderne qu’il utilise dans ses créations. Raison, sans nul doute, pour laquelle Rik Bas Backer a récemment été invité par le Centre Pompidou à réaliser le catalogue de l’exposition “Raymond Hains”, cet autre flâneur-guetteur de nos villes contemporaines.
Rik Bas Backer a trente-trois ans.
Il vit et travaille à Paris.
Formation : École des beaux-arts d’Arnhem, Pays-Bas.
Laurent Seroussi
Le calcul de l’évidence
Laurent Seroussi arbore la double casquette de graphiste et de photographe. Passant d’une activité à l’autre ou mêlant les deux, il mûrit lentement ses projets, alimentés par la prise compulsive de notes et de croquis. De là naissent ses travaux, dont le résultat visuel revendique toujours l’évidence, et y parvient. Certaines prises de vue, pourtant, semblent improbables. Trucage ? “Certainement pas”, insiste-t-il. Pour exemple, la pochette du disque de Mathieu Chedid, réalisée en 1999 : le gigantesque M inscrit sur l’image ne relève pas du montage informatique, mais, à la façon de l’artiste Felice Varini, s’inscrit à même le décor et nécessite un angle unique de vision pour sa lecture. Ses images se nourrissent de l’univers des personnalités évoquées en imposant leur frontalité. Sa collaboration avec des stars de la musique notamment (Alain Bashung, Françoise Hardy, M) accentue cette approche, chaque image étant plaquée comme un accord.
Laurent Seroussi a trente ans.
Il vit et travaille à Paris.
Formation : École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris.
Philippe Millot
N’ayons pas peur des mots
Les interventions de Philippe Millot se définissent par des variations autour de la lettre, du mot ou de la phrase. Grammaire graphique au service d’une communication visuelle, l’exigence formelle y déploie sa pleine mesure. C’est pourquoi il privilégie le graphisme d’édition. Pour l’Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), il réalise une série d’ouvrages, aux thématiques variées, qui l’autorise à ce luxe de la rigueur. Ou, récemment, le livre-cahier Dehors la danse (Jean-Luc Nancy, Mathilde Monnier, éditions RROZ). Ses expériences typographiques ne sont pas sans rappeler dans l’organisation architecturale de la page celles menées au Bauhaus, et celles de De Stijl, dans leur désir de trouver un équivalent visuel à la composition musicale : ainsi, chez lui, la construction de l’espace de la page sur plusieurs niveaux suit des lignes d’écriture. Pour la rentrée, il a réalisé l’identité visuelle du label de musique Gratitudes. Il est également un membre actif de l’Alliance graphique internationale (Agi), dont le congrès annuel à Paris cet automne donnera lieu à une série de rencontres et d’événements au Centre Pompidou et à la Bibliothèque nationale de France.
Philippe Millot a trente ans.
Il vit et travaille à Paris, en collaboration avec Csaba Meszaros.
Formation : École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Huit jeunes graphistes en France, ou un détour par l’Hexagone
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Huit jeunes graphistes en France, ou un détour par l’Hexagone