Juliet Wilson-Bareau, historienne d’art britannique, a récemment remis en cause l’authenticité de deux tableaux de Francisco de Goya (1746-1828). Au cours d’une conférence au Musée du Prado, elle a exposé tous les motifs qui, selon elle, justifieraient un déclassement.
MADRID (de notre correspondant) - Dès 1995, au cours d’une exposition mémorable, le Metropolitan Museum of Art de New York avait passé au crible ses Goya et ses Rembrandt : cinq tableaux de l’Espagnol avaient ainsi été déclassés (lire le JdA n° 18, octobre 1995). Juliet Wilson-Bareau, historienne d’art britannique et commissaire de l’exposition “Goya : dessins d’albums” à la Hayward Gallery de Londres (lire le JdA n° 123, 16 mars 2001), a mis en doute l’authenticité de deux œuvres de Goya durant une conférence donnée au Musée du Prado de Madrid. Selon elle, La Laitière de Bordeaux (1824-1828) ne serait pas de la main du maître : “la facture manque de vigueur, tandis que la composition et le cadrage sont tout à fait inhabituels. De plus, La Laitière ne correspond pas à l’évolution stylistique et picturale des tableaux des dix dernières années de la vie de l’artiste”. Sans aucun rapport iconographique, une radiographie a révélé des esquisses sous la couche de peinture.
à gauche, la tête d’un Maure et, sous le personnage de la laitière, une figure féminine appuyée au balcon d’une maisonnette. Or, Goya ne réalisait jamais d’ébauche sur toile. De plus, rien n’assure que l’œuvre date de la période bordelaise : le tableau porterait son nom d’après une lettre de Leocadia, cousine de l’épouse de l’artiste, adressée au propriétaire de La Laitière depuis la ville de Bordeaux. Des analyses permettront de déterminer la provenance – française ou espagnole – de la toile et du châssis et par conséquent de confirmer ou non la thèse de Juliet Wilson-Bareau. Pour l’attribution, l’historienne a observé des analogies troublantes entre les esquisses de La Laitière et des dessins conservés à la Bibliothèque nationale d’Espagne et à l’Hispanic Society de New York et réalisés par Rosarito, fille de Leocadia. Disciple de Goya, elle a copié, avec aisance, nombre de ses dessins. Le tableau porte la signature de l’artiste, mais il est reconnu qu’il signait souvent les œuvres réalisées par son atelier.
Une deuxième œuvre mise en doute
La plupart des spécialistes de l’œuvre de Goya ont avalisé les théories de Juliet Wilson-Bareau. Cependant, sa remise en doute d’une deuxième œuvre, Le Colosse, également conservée au Prado, n’a pas encore convaincu l’ensemble des historiens. Si Manuela Mena, conservatrice au Prado pour l’œuvre de Goya, “approuve complètement” cette thèse, un autre spécialiste du maître espagnol, Alfonso Perez Sanchez, admet “une certaine incohérence” de La Laitière avec la production artistique du peintre. Mais il se dit “un peu sceptique” et demande “des preuves” concluantes pour Le Colosse.
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Goya à l’épreuve
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°125 du 13 avril 2001, avec le titre suivant : Goya à l’épreuve