Weimar sera, en 1999, la plus petite des villes ayant porté le titre de « ville européenne de la Culture ». Placé sous la direction de Bernd Kaufmann, le programme des manifestations est à la hauteur de la richesse du patrimoine de la capitale de l’ancien grand-duché de Saxe-Weimar-Eisenach. Comme pour renouer avec sa tradition, Weimar recevra des acteurs des mondes de l’art et du spectacle venus de l’Europe entière. Inauguration des festivités, le 19 février.
Le patrimoine culturel de Weimar a été, depuis le milieu du XVIIIe siècle et surtout depuis Goethe, constamment nourri par des personnages et des courants artistiques venus de l’Europe entière. Les traces de leur passage ont été fabuleusement épargnées par la Seconde Guerre mondiale, et l’on mesure l’importance de leur souvenir au nombre d’anniversaires qui pourront être fêtés durant la seule année 1999 : Goethe aurait eu 250 ans et Schiller 240 ; il y a quatre-vingts ans que la Constitution de Weimar a été signée et le premier Bauhaus fondé. Au même moment, l’Allemagne célébrera les dix ans de sa réunification, l’occasion de faire un bilan sur l’ancienne République démocratique qui aurait atteint en 1999 son demi-siècle d’existence. L’éventail des thèmes choisis pour “Weimar 1999, ville européenne de la Culture” a été puisé dans la variété de ce patrimoine.
Grands travaux et mise en scène du patrimoine
Le visiteur arrivant par le train tombe sur une place, la Bahnhofplatz, plantée d’une soixantaine de petits buissons carrés strictement alignés, que les Weimariens se plaisent à appeler “les tombes pour chiens”. Il découvre l’un des résultats de l’extraordinaire campagne de travaux qui a débuté il y a plus de trois ans, dans la perspective de l’année 1999, et dont les investissements dépassent le milliard de deutschemarks (3,5 milliards de francs). À travers la ville, il sera guidé par une “Promenade dans le temps”, un réseau de vingt-trois bornes visuelles et sonores disposées aux différents emplacements historiques. Le commissaire Marie-Louise von Plessen offre au visiteur, qu’elle laisse libre de sa circulation, une “analyse archéologique de la ville”.
Tripler la maison de Goethe
À côté des nombreuses expositions qui seront consacrées au héros local, Johann Wolfgang von Goethe, c’est son idyllique maison dans le parc qui fera l’objet de l’un des événements les plus spectaculaires : “Tripler la maison de Goethe”. Le double est une copie exacte, intérieur compris, placé à proximité de l’authentique demeure de Goethe. Le triple sera virtuel et consistera en une visite par simulation électronique. D’un point de vue pratique, les deux reproductions visent à soulager l’original des pèlerins qui y affluent depuis 1885, année de création du musée. Mais d’un point de vue théorique, et celui-là prévaut aux yeux des organisateurs, la confrontation des trois exemplaires doit susciter une réflexion sur la valeur de la maison-icône et de son authenticité. Par cet unique exemple, ils soulèvent une question patrimoniale qui touche la ville de Weimar dans son intégralité.
Après la mort du poète et ayant souffert la fin de son âge d’or, Weimar est entrée dans le XXe siècle aux côtés de plusieurs acteurs et propagateurs de la modernité : Nietzsche, Steiner, Kessler, Henry van de Velde, Feininger... Eux aussi seront mis à l’honneur dans quelques expositions individuelles, mais surtout dans une rétrospective d’envergure organisée par les Kunstsammlungen zu Weimar, “Ascension et chute de la modernité. Weimar, un exemple allemand de 1890 à 1990”. Son enjeu est de présenter un siècle d’art, suivant une thématique extra-régionale et toujours actuelle : la modernité bridée par le tout-puissant conservatisme ou anéantie par les détenteurs du pouvoir.
L’ancien haut lieu weimarien de cette modernité, le Musée grand-ducal qui avait été inauguré en 1869, sera rouvert et rebaptisé Neues Museum pour devenir le deuxième musée d’art contemporain dans l’est de l’Allemagne. L’édifice néo-Renaissance avait été laissé à l’abandon depuis la fin de la guerre et jusqu’à la réunification. Une restauration très respectueuse a été agrémentée d’interventions d’artistes contemporains : les murs de l’entrée principale sont signés Sol LeWitt, Daniel Buren a conçu la cage de l’escalier, et le café a été aménagé par Robert Barry. Le nouvel édifice sera inauguré le jour de l’an 1999, avec une exposition d’œuvres européennes et américaines depuis 1960 provenant de la collection Paul Maenz, un “Vent rafraîchissant à direction changeante” qui soufflera une année durant. Couvrant à peu près la même période, “L’art de Thuringe” sera consacré aux arts plastiques de la région depuis 1945. Le commissaire suisse Johannes Gachnang veut instaurer un dialogue entre la production des années sous l’emprise du bloc soviétique et celle postérieure à la chute du Mur.
Profitant de l’année 1999 pour gonfler son programme, le Centre d’art contemporain ACC Weimar organisera dans sa galerie quelque huit expositions successives. Il en est une, “Europe in the box”, dont le propos colle à la manifestation : quinze artistes, issus des quinze précédentes villes européennes de la Culture, sont envoyés dans celle qui, sur la liste, fait suite à la leur, ce voyage devant servir de sujet à une œuvre qu’ils feront parvenir à la galerie dans une boîte de 60 x 60 x 60 cm.
Bob Wilson et l’apocalypse
Pour les arts de la scène, un des événements les plus attendus est la pièce de Robert Wilson, Death, Destruction and Detroit III, dont le texte est signé Umberto Eco : destruction de l’histoire et reconstruction, un enchaînement de deux phénomènes qui serait la cause d’une apocalypse.
La France participera à Weimar en regroupant sur “Le campement” plusieurs de ses troupes de théâtre et de danse (entre autres, le Théâtre du Radeau et La Baraque). Celles-ci planteront leurs tentes auprès des anciens abattoirs et animeront les jours et les nuits du mois de juillet. En parallèle, dans le domaine des arts plastiques, l´Afaa (ministère des Affaires étrangères) a fait appel à Xavier Franceschi, du Centre Jules Verne à Brétigny-sur-Orge, pour élaborer un projet d’exposition lié à ce programme. Celui-ci devrait réunir, probablement au sein même des anciens abattoirs, un ensemble d’œuvres de jeunes artistes européens provenant de plusieurs Frac et musées de France.
- PROMENADES DANS LE TEMPS, 28 mars-8 octobre, rues et places de la ville. - ASCENSION ET CHUTE DE LA MODERNITÉ. WEIMAR : UN EXEMPLE ALLEMAND DE 1890 À 1990, 9 mai-1er août, château (Kunstsammlungen zu Weimar), Burgplatz 4, tél. 49 3643 54 61 20, tlj sauf lundi 10h-18h - VENT RAFRAÎCHISSANT À DIRECTION CHANGEANTE, 2 janvier-fin 1999, Neues Museum, Rathenauplatz ; de novembre à mars, tlj sauf lundi 10h-16h30 ; d’avril à octobre, tlj sauf lundi 10h-18h. - L’ART DE THURINGE , 15 août-19 septembre, Orangerie du château du Belvédère, tél. 49 3643 54 61 20. - EUROPE IN THE BOX, 16 avril-6 juin, Galerie ACC, Burgplatz 1, tél. 49 3643 85 12 61, tlj 12h-18h. ACC_Weimar@t-online.de
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Goethe aura sa maison virtuelle
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Abonnez-vous dès 1 €- Thomas Steinfeld, avec des photographies de Barbara Klemm, Weimar, Klett-Cotta, 1998. - Friedericke Schmidt-Möbus, Frank Möbus, Kleine Kulturgeschichte Weimars, Böhlau, 1998.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : Goethe aura sa maison virtuelle