Depuis le 15 juin dernier, les collections du musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris ont réintégré les salles de l’hôtel particulier d’Henri Cernuschi (1821-1896), entièrement rénovées et réaménagées. Rencontre avec Gilles Béguin, directeur de l’institution.
Outre les questions de mise aux normes de sécurité et d’accessibilité, quelles sont les grandes lignes du projet architectural et muséographique ?
Le projet muséographique a été confié à l’agence Architecture & Associés. L’idée était de retrouver l’esprit de l’hôtel particulier, notamment en utilisant davantage la lumière naturelle en rouvrant certaines fenêtres donnant sur le parc Monceau. Plusieurs éléments d’origine ont été conservés et restaurés, comme les plafonds de stuc, le grand escalier – une frise peinte a été retrouvée pendant les travaux – ou le fumoir d’Henri Cernuschi. La scénographie et le mobilier, résolument contemporains et d’une grande sobriété, ne sont là que pour mettre en valeur les œuvres.
Comment s’organise le parcours des collections permanentes ?
Avant la rénovation, les collections permanentes occupaient le rez-de-chaussée, les expositions temporaires le premier étage. Ce qui rendait difficile l’acheminement des œuvres, le montage et le démontage des expositions. Aujourd’hui, les collections permanentes se déploient à l’étage, dans un espace agrandi grâce à des mezzanines qui permettent d’utiliser la hauteur de plafond et d’optimiser l’espace. La salle du grand Bouddha de Meguro, par exemple, gagne ainsi près de cent mètres carrés. Neuf cents pièces sont présentées en permanence, soit trois cents de plus qu’avant les travaux. Le parcours est chronologique, des cartes murales et des panneaux en trois langues – français, anglais et chinois – donnent au visiteur les clés nécessaires pour comprendre et situer les œuvres dans leur contexte.
Quel sera le rythme des expositions temporaires ?
Il y en aura deux par an. La première, consacrée aux Céladons, présente jusqu’en décembre une centaine de céramiques chinoises provenant de six musées de la province du Zhejiang, retraçant deux mille ans d’art, de la dynastie des Zhou (1050-256 av. J.-C.) à la dynastie des Yuan (1279-1368). Entre deux expositions, les salles du rez-de-chaussée permettront de présenter un ensemble de peintures chinoises et japonaises.
Comment la collection s’enrichit-elle aujourd’hui ? Quel est le budget d’acquisition du musée ?
Le budget annuel d’acquisition est de l’ordre de cent mille euros. Ce qui permet d’acheter une pièce par an, à laquelle s’ajoutent deux ou trois œuvres en donation, qui viennent enrichir la collection constituée par Henri Cernuschi entre 1871 et 1873. Récemment, un vase Zun en bronze du milieu du XIIe av. J.-C. a été donné au musée, grâce au mécénat de Total. Même s’il est très excitant d’acheter de nouvelles œuvres, je privilégie actuellement la restauration et la conservation des pièces de la collection. Si une grande campagne a été menée durant les trois ans de fermeture du musée, il reste encore beaucoup à faire, notamment pour les peintures.
Comment se positionne le musée Cernuschi par rapport au Musée national des arts asiatiques Guimet ?
Pour les primitifs italiens, on ne demande pas au directeur du musée Jacquemart André comment il se positionne par rapport au musée du Louvre. On ne peut pas comparer. Cela étant dit, le Musée national Guimet a un devoir d’universalité, en couvrant tous les pays et toutes les périodes de l’art asiatique. Le musée Cernuschi n’a pas cette ambition, il a ses lacunes, il est un joli livre d’art que l’on feuillette, avec certains chapitres manquants et des pièces exceptionnelles. Son point fort est la Chine ancienne, des origines au xiiie siècle, mais l’art japonais occupe près d’un tiers de la collection, auxquels s’ajoutent quelques objets coréens et vietnamiens. Le musée Cernuschi représente en France la deuxième collection d’art asiatique, avec plus de douze mille pièces.
Quelles sont, selon vous, les pièces incontournables de la collection ?
Parmi d’autres, il y en a deux qui sont des chefs-d’œuvre absolus.
La Tigresse (première moitié du xie siècle, fin de la dynastie des Shang), un vase You en bronze destiné à contenir des boissons fermentées représentant un félin qui enserre un petit être humain, est sans doute l’œuvre la plus célèbre du musée. Le Groupe des huit cavalières musiciennes (début du VIIIe siècle, dynastie des Tang, ill. 2), en terre cuite polychrome, est une pièce d’une très grande finesse d’exécution. Nous avons aussi un très bel ensemble de statuettes funéraires (du IIIe siècle av. J.-C. au XIIIe siècle ap. J.-C.) et de bronzes archaïques.
PARIS, musée Cernuschi, 7 avenue Vélasquez, VIIIe, tél. 01 53 96 21 50, du mardi au dimanche 10 h à 18 h, gratuit pour les collections permanentes. Exposition temporaire : « Céladons, trésors céramiques de Chine », 9 septembre-30 décembre.
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Gilles Béguin : Cernuschi, deuxième collection d’art asiatique en France
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°573 du 1 octobre 2005, avec le titre suivant : Gilles Béguin : Cernuschi, deuxième collection d’art asiatique en France