Françoise et Jean-Philippe Billarant sont collectionneurs d’art contemporain depuis vingt-cinq ans. Jean-Philippe Billarant est aussi chef d’entreprise, président de l’Espace d’Art concret de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) et président de la Cité de la musique. Ils commentent l’actualité.
Jack Lang met en place un nouveau programme d’enseignements artistiques à l’école. Êtes-vous favorables à ce type de cours ?
Nous sommes convaincus qu’il faut développer l’enseignement de la création artistique auprès des enfants. Il ne faut pas simplement se limiter à l’histoire de l’art des siècles passés, mais aussi parler des cinquante dernières années. “L’élite”, les gens qui sortent des grandes écoles ou de certains milieux parisiens sont persuadés qu’ils connaissent ces domaines qui ne sont pas enseignés. Chacun se sent par exemple capable de se prononcer sur la peinture. C’est typiquement français. Dans les pays où un enseignement artistique existe, les élèves comprennent que l’art, comme les autres disciplines, est une matière qui s’apprend, et comme elle s’apprend, il en existe des spécialistes. Le jour où une entreprise voudra constituer une collection, elle fera appel alors à un expert au lieu de nommer quelque proche de l’actionnaire. Pour revenir à l’action de Jack Lang et de Claude Mollard, il est clair qu’elle répond à une vraie demande. À Mouans-Sartoux, par exemple, les ateliers d’enfants ne désemplissent pas.
Est-ce que les grandes foires comme la Fiac sont pour vous des lieux privilégiés pour vos acquisitions ?
Il y a vingt ans, la Fiac était pour nous un événement. Aujourd’hui, elle nous paraît un peu sage, comparée à Bâle et les découvertes y sont plus rares. Cependant, nous avons toujours un grand plaisir à découvrir une belle pièce d’un artiste que nous aimons.
Il peut nous arriver d’acheter à cette occasion, mais, en général, nous préférons nous donner le temps de la réflexion et acquérir dans la galerie ensuite.
Quand il s’agit d’un jeune artiste, nous avons besoin pour nous décider de voir plusieurs expositions et, surtout, de comprendre sa démarche. En tant que collectionneurs, nous ne recherchons pas un large échantillonnage des différentes tendances de l’art, mais nous voulons accompagner une trentaine d’artistes, plutôt dans la ligne minimale et conceptuelle.
Aussi vous comprendrez qu’“Art Paris” est un autre monde, loin de nos préoccupations. La partie design, si elle manquait un peu de densité, nous a paru plus intéressante que les peintures.
Autre salon, celui de l’art tribal, qui vient d’avoir lieu à l’hôtel Dassault. S’agit-il aussi d’un marché que vous suivez régulièrement ?
Nous le suivons pour voir de belles pièces. En tant que collectionneurs, nous avons arrêté il y dix ans nos acquisitions dans ce domaine pour aller définitivement vers la création d’aujourd’hui. Les questions d’authenticité, d’ancienneté, ne nous intéressent pas. Notre préoccupation est vraiment de vivre avec les artistes. Ce qui est passionnant, c’est de voir la création se faire. Et puis, pour des raisons financières, il faut faire des choix, et ceux-ci nous conduisent toujours à l’art contemporain.
Un grand nombre de fondations privées se créent ou sont en projet actuellement en France. Comment l’expliquez-vous ?
Le retard que connaît la France par rapport à ses voisins allemands ou suisses en est la meilleure explication. La fondation, c’est le rêve de nombreux collectionneurs, parfois aussi leur tombeau pour les siècles à venir.
Nous sommes très heureux de voir se multiplier les initiatives privées en ce sens, car l’État ne peut pas, et ne doit pas, tout supporter, mais il faut être vigilant afin que ces nouveaux lieux restent vivants. Si l’idée de disposer d’un espace d’exposition nous séduit, c’est davantage pour faire intervenir les artistes, plutôt que de “muséifier” notre collection. Il faut toujours privilégier la création.
Le projet de loi musée actuellement en discussion au Sénat prévoit l’aliénabilité des œuvres d’art contemporain rentrées récemment dans les collections publiques. Qu’en pensez-vous ?
Nous pensons exactement le contraire de ce qui est prévu. Si l’on devait pouvoir rendre une œuvre aliénable, cela devrait plutôt concerner les pièces qui ont cent ou deux cents ans. Avec le recul, on sait généralement ce qui est important ou mineur. Dans les réserves des musées, il y a des petits tableaux du XIXe siècle qui pourraient être revendus sans que cela appauvrisse la collection dudit musée. En revanche, comment voulez-vous mesurer la dimension historique de pièces qui ont vingt ans ? Globalement, nous sommes contre l’aliénabilité des collections publiques, mais si on devait en décréter une, nous la verrions à l’envers de ce qui est proposé. Mais nous espérons que le ministère de la Culture saura s’opposer à cet amendement réactionnaire.
Une exposition vous a-t-elle marqués dernièrement ?
Oui, celle de Niele Toroni au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Dans le domaine de la musique, nous avons vu une œuvre très contestée, mais que nous avons trouvé magnifique : La Petite Fille aux allumettes d’Helmut Lachenmann à l’Opéra Garnier. C’est une pièce magnifique, même si elle a été huée comme au plus beau temps de Désert de Varèse. Sinon, nous avons vu les interventions très justes de Michel Verjux au Haut-Koenigsbourg et à Sélestat. L’exposition de François Morellet, cet été, au Musée Fabre et au Carré Saint-Anne à Montpellier était aussi très belle. Enfin, les stickers d’artistes à l’Espace Ricard étaient sympathiques et permettaient d’acquérir une véritable œuvre pour une somme très modique.
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Françoise et Jean-Philippe Billarant
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Françoise et Jean-Philippe Billarant