Conte cruel de la garce sublime et du gentil voyeur : Femme fatale frappe et déçoit d’abord comme un recul violent dans l’œuvre de Brian De Palma. Retour au thriller sexuel, retour au vieux schéma paranoïaque. Un (faux) vol de bustier en diamants en pleine projection cannoise, une vision prémonitoire, un photographe espagnol à son balcon et sur sa moto, un kidnapping bidon font un écheveau plus embrouillé encore qu’au temps de Body Double. C’est peut-être qu’ici le cinéaste est seul scénariste. Gourmand, il invente mille fictions, qui toutes échouent à nous tenir. Leur décousu radical laisse pourtant percer, par intermittences, un superbe rêve de cinéma. De Palma, qui y vit depuis deux ans, reconstitue Paris selon son cœur, ville silencieuse et toute lisse, suspendue immobile dans le bleu ouaté des hôtels internationaux. Y déploie son art de maniaque absolu, peaufine à mort ses mouvements d’appareil et ses morceaux de bravoure, comme le paparazzi Antonio Banderas travaillant plusieurs années à son puzzle photo d’une place de Belleville, façon David Hockney. Le grandiose Mission to Mars proposait un autoportrait idéal en astronaute des années 2020. La moindre beauté de ce dernier film ne lui retire pas sa justesse : majesté molle, lenteur extrême, étirement de tous les gestes, somnambulisme délicieux, érotisme doux. Et lourdeur : Femme fatale, comme tout De Palma, pèse des tonnes, car c’est le gros ours barbu lui-même qui cherche à y décoller du sol.
- Femme Fatale, de Brian De Palma, sortie le 30 avril.
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Femme fatale, un De Palma en demi teinte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°536 du 1 mai 2002, avec le titre suivant : Femme fatale, un De Palma en demi teinte