On a tout dit, ou presque, à son sujet, presque tout écrit, analysé, disséqué, exploré de son œuvre. Mais on n’a pas encore tout vu. A 84 ans, le vieux gourou transalpin n’a rien perdu de son mystère ni de son éclat. Coup sur coup, trois galeries parisiennes l’ont récemment exposé ou l’exposent encore. De/di/by, tout d’abord, avec des vases d’une extrême élégance ; Neotu ensuite, avec des céramiques
au hiératisme manifeste ; Kreo actuellement avec des photographies des années 70 à l’humour décapant. Dans les deux premières expositions, la couleur éclatait en majesté. A la galerie Kreo, c’est le noir et blanc qui qualifie des mises en scène totalement décalées par des légendes ironiques, poétiques, enfantines et savantes. Des légendes qui, comme le souligne Christian Schlatter, n’en sont pas, mais sont plutôt des manifestes, des réflexions, des sens de vie. Des métaphores, tout comme le sont ses vases, ses céramiques et l’ensemble des signes et objets qu’il a créés en 60 ans d’activité intense, pour lui comme pour des entités aussi diverses que Poltronova, Olivetti, Esprit, Fiorucci, Memphis, Knoll, la manufacture de Sèvres, Alessi, Adet Print, Bedding... Sottsass est-il réellement métaphorique, à l’image de tant d’architectes et de designers contemporains qui ont radicalement opté pour la métaphore comme justification à la rationalité ou à son contraire ? Peut-être, mais il est plus encore symbolique, lyrique, romantique et baroque. Des céramiques (de celles des ténèbres à celles de la lumière), des icônes (que sont devenues ses créations) aux photographies, c’est par le geste, celui de la raison, que Sottsass définit sa place dans l’univers. Dans sa pratique, comme dans celle des arts plastiques, des arts martiaux ou encore de la corrida, le geste n’est pas seulement un moyen ou une cause. C’est un trajet, du temps dans l’espace, de l’énergie déployée en des variations subtiles poussées jusqu’à l’extrême. Existe-t-il un style Sottsass ? Peut-être celui
de l’élancement, de la constance totémique. Tout est prétexte pour Sottsass à ériger des totems, à édifier des tours. Comme une tension irrésistible vers le haut, une compulsion à la verticalité. Réflexe de montagnard logique somme toute. Mais auquel viennent se mêler l’irrationnel et l’approximatif, comme toujours avec lui. Son nom n’est-il pas la contraction de Sotto Sasso (sous le Sasso) ? Le grand Sasso, avec ses 2914 mètres est le point culminant des Apennins. Son prénom ne contient-il pas le mot torre ? Le point d’ancrage du clan Sottsass à Milan n’est-il pas le restaurant La torre di Lisa ? On n’en finirait pas d’Insbrück à Filicuddi, des Dolomites au Monténégro de multiplier les exemples. Comment résumer 84 ans d’une vie intense, flamboyante et multiple ? Tâche impossible. Dès lors, il faut se tourner vers Pavese qui, sans connaître Sottsass, l’a merveilleusement croqué dans Le métier de vivre : « Comme les grands amants, les grands poètes sont rares. Les velléités, les fureurs et les rêves ne suffisent pas. Il faut ce qu’il y a de mieux : des couilles dures. Ce que l’on appelle le regard olympien ».
PARIS, galerie Kreo, 11, rue Louise Weiss et 22, rue Duchefdelaville, tél. 01 53 60 18 42, 10 mars-21 avril.
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Ettore Sottsass toujours plus haut
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°525 du 1 avril 2001, avec le titre suivant : Ettore Sottsass toujours plus haut