Deux amendements au projet de loi de finances pour 2012 ont tenté d’assimiler la fiscalité des dons à une niche fiscale. Écartée, cette menace laisse-t-elle augurer un durcissement des dispositions relatives au mécénat ?
L’œil : Comment faut-il interpréter ce nouvel assaut parlementaire contre la fiscalité des dons ?
Olivier Tcherniak : Il me semble étrange de se focaliser ainsi sur la générosité publique alors que celle-ci n’offre pas de contrepartie aux donateurs, contrairement au mécénat d’entreprise. Or ce sujet des contreparties demeure très flou, car aucune limite de montant n’est précisée dans la loi, dans laquelle il n’est question que de « disproportion marquée ». L’attaque aurait donc pu porter sur ce point. S’en prendre à la fiscalité des dons est d’autant plus surprenant en cette période, car les associations, qui pâtiraient de ce changement fiscal, jouent un rôle majeur par leur engagement au service de l’intérêt général. Or elles sont déjà très fragilisées financièrement, non pas à cause d’une baisse de la générosité, mais à cause de la diminution de leurs subventions publiques.
L’œil : Peut-on penser que cet amendement était destiné à préparer le terrain pour une réforme de la loi sur le mécénat ?
O. T. : Je ne le sais pas. Mais il est sûr que, du fait de son imprécision sur certains points, la loi d’août 2003 est aujourd’hui très fragilisée. Certaines opérations de mécénat ont montré que l’intérêt général avait eu tendance à passer au second plan derrière la communication. Par ailleurs, le texte présente encore de sérieuses lacunes, notamment en ce qui concerne les PME mais aussi les actions qui peuvent être éligibles au mécénat. À titre d’exemple, les actions de formation en sont exclues. Le texte est aussi assez imprécis sur le cas du mécénat de compétences. La loi serait donc à repeigner.
L’œil : Peut-on parler d’une dérive du mécénat liée à cette loi ?
O. T. : Cette loi a eu un effet d’entraînement énorme en faveur du mécénat. Je ne parlerai donc pas de fraude ou de dérive mais plutôt de mauvaise compréhension. Le mécénat a échappé progressivement aux patrons des entreprises au profit de leurs directions de la communication. Tant que le mécénat ne sera pas un élément inscrit dans la stratégie de l’entreprise, avec une vision claire portée par le chef d’entreprise, il y aura un risque d’incompréhension de son objet. Il faut aussi rappeler que les véritables contreparties du mécénat ne sont pas chiffrables. Je dirai donc que le mécénat a plutôt été mal compris que mal utilisé.
L’œil : Comment éviter que ce débat fiscal ne devienne récurrent ?
O. T. : La Charte du mécénat d’entreprise proposée par l’Admical constitue une réponse. Il s’agit d’un outil pédagogique expliquant ce qu’est le mécénat. Il y est notamment stipulé que le mécénat ne doit pas rechercher à avoir un impact sur les activités marchandes de l’entreprise. Il faut donc que les entreprises signent et appliquent cette charte. Plus la loi sera respectée, moins elle sera fragile.
L’œil : Le mécénat culturel connaît-il un nouveau repli du fait de la conjoncture ?
O. T. : Après une période d’infléchissement, le mécénat culturel ne se porte pas si mal. Mais il existe une autre menace, celle de la montée en puissance de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Celle-ci incite les entreprises à se tourner vers des actions sociales ou environnementales en lien avec leurs activités économiques. C’est donc une approche différente de celle conduite par le mécénat d’entreprise. Si l’intérêt général est, dans les deux cas, présent, il est lié dans la RSE à l’intérêt direct de l’entreprise et ne s’exerce que dans son domaine d’intervention. Ce qui exclut le mécénat culturel. Le lien avec les activités de l’entreprise écarte ces opérations du régime de la loi de 2003.
Olivier Tcherniak est président de l’Admical, Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, fondée en 1979 dans le but de promouvoir le mécénat d’entreprise.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Entretien : Olivier Tcherniak
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €L'AMENDEMENT
Les députés Gilles Carrez (UMP) et Pierre-Alain Muet (PS) sont à l’origine des deux amendements controversés. Ceux-ci prévoyaient d’assimiler les dons à une niche fiscale et donc d’en plafonner l’avantage fiscal.
66 %
C’est le taux de réduction d’impôt accordé aux particuliers au titre des dons au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général, dans la limite d’un plafond égal à 20 % du revenu imposable. L’amendement l’aurait fait passer à 59,4 %.
« L’assimilation de la fiscalité du don à celle des niches fiscales est une confusion qui fait injure aux citoyens engagés pour le bien commun. Rappelons-le, le don coûte toujours plus cher au contribuable que l’absence de don.»
Béatrice de Durfort, déléguée générale du Centre français des fondations.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°642 du 1 janvier 2012, avec le titre suivant : Entretien : Olivier Tcherniak