En Allemagne, Walid Raad recevra le prix d’art d’Aix-la-Chapelle malgré l’opposition de la mairie

La mairie d’Aix-la-Chapelle, une ville allemande frontalière de la Belgique, avait annoncé il y a quelques jours mettre son veto à l’attribution à Walid Raad d’un prix d’art local doté de 10 000 €. Sa décision était justifiée par le soutien présumé de l’artiste libano-américain au Boycott Divestment and Sanctions (BDS), une campagne internationale appelant à exercer des pressions sur Israël. Toutefois, la Fondation Ludwig, responsable de la remise biannuelle du prix, a annoncé le 1er octobre qu’elle décernerait la récompense au lauréat en dépit de ce veto.

Les travaux pluridisciplinaires de Walid Raad portent sur des représentations de la guerre, et le prix d’Aix-la-Chapelle récompensera son œuvre la plus fameuse : The Atlas Group. Ce projet mené durant 15 ans et clos en 2004 tisse un récit, entre documentaire et fiction, centré sur les conflits survenus au Liban ces 30 dernières années.

Peu après l’annonce du lauréat, la mairie a subi de nombreuses pressions. Lesquelles ont conduit à interroger Walid Raad sur ses liens avec le BDS. L’organisation qui milite pour la fin de l’occupation des terres arabes est assimilée à un mouvement antisémite en Allemagne depuis une motion adoptée le 17 mai 2019 par le Bundestag.

« Les réponses de Walid Raad [sur le BDS] étaient non seulement évasives, mais arrogantes et moqueuses […] elle ne rendait pas justice au sérieux du sujet, avait déclaré le maire d’Aix-la-Chapelle, Marcel Philipp, nous devons supposer que le lauréat est un partisan du BDS et qu’il a déjà participé au boycott culturel d’Israël ».

Selon le site Hyperallergic, Walid Raad n’a qu’une seule fois soutenu publiquement le BDS. C’était en 2004, lorsqu’il avait fait partie des 100 signataires d’une lettre ouverte publiée par le mouvement. Celle-ci demandait aux artistes de l’exposition Living as Form de retirer leurs œuvres car l’évènement était accueilli par l’Institut Technologique d’Israël, une structure accusée par le BDS de « développer des technologies utilisées par les autorités israéliennes contre les palestiniens ».

Apprenant le veto de la mairie à la distinction de Walid Raad, le conseil d’administration de la Fondation Ludwig s’est réuni. « Nous avons fait des recherches approfondies sur les accusations d’antisémitismes à l’encontre du lauréat mais n’avons rien trouvé de tangible […] c’est pourquoi, en tant que seuls financeurs du prix, nous avons finalement décidé de le lui remettre », a déclaré le 2 octobre le directeur de la fondation, Müller-Vorbrüggen, au micro de Deutschlandfunk.

Si le calendrier d’origine est respecté, Walid Raad recevra son prix le 13 octobre et bénéficiera d’une exposition à la Fondation Ludwig. Il succédera ainsi à de prestigieuses signatures telles que Christian Boltanski (lauréat 1994) et On Kawara (lauréat 1992).

Ce n’est pas la première fois que les liens entre personnalités et BDS déclenchent des polémiques dans le milieu allemand de la culture. Fin septembre, l’auteure anglo-pakistanaise Kamila Shamsie s’est vue refuser le Prix Nelly Sachs en Allemagne en raison de son soutien au mouvement. En juin dernier, c’était le directeur du Musée juif de Berlin, Peter Schäfer, qui avait présenté sa démission au ministre de la Culture à la suite d’un tweet controversé dans lequel il soutenait une lettre ouverte critiquant la décision du parlement d’associer BDS et antisémitisme.