Suppression de postes, recherche en berne et marché spécialisé déprimé : autant de facteurs d’inquiétude pour les musées de textiles.
PARIS - Les conservateurs de textiles anciens sont en émoi après l’annonce du départ sans remplacement de deux de leurs éminents collègues. Au sein de la prestigieuse institution des Arts décoratifs à Paris, c’est Jean-Paul Leclercq, conservateur au Musée de la mode et du textile depuis douze ans et commissaire d’expositions remarquées comme « Jouer la lumière » et, plus récemment , « L’homme paré », qui quittera ses fonctions au 1er septembre. Soit dix mois avant la date d’échéance de son détachement et un peu plus d’un an avant son départ à la retraite. Il rejoindra la Guyane où il a accepté un poste vacant depuis plusieurs années, en qualité de conservateur de l’Inventaire général. Il y avait débuté sa carrière en tant que chercheur. Il devra relancer un service en berne. Jean-Paul Leclercq, qui affirme partir en excellents termes avec sa direction, constate simplement que les options de fond du musée ne correspondent plus à ses propres curiosités scientifiques et techniques. Mais pour certains observateurs, son départ est symptomatique des nouvelles orientations des musées de textiles, qui privilégieraient désormais la mode au détriment de la recherche scientifique. « Hors de la mode, point de salut », résume un conservateur, qui dénonce par ailleurs « l’impossibilité actuelle de publier des ouvrages de fond sur ce sujet ».
Au Musée des textiles de Lyon, autre établissement renommé dépendant de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), un poste scientifique sera supprimé dès la rentrée. Son actuel directeur, Guy Blazy, partant à la retraite au 1er juillet, c’est son adjointe Marie-Anne Privat-Savigny qui prend la relève, sans que son poste de conservateur ne soit remplacé, pour de simples questions comptables. Or chacun sait que, dans un musée, tout poste perdu est rarement recréé. L’autre sujet d’agitation enfin concerne le Musée du quai Branly, à Paris, où la suppression de l’unité patrimoniale des collections de textiles aurait été envisagée afin d’être reventilée par aires géographiques. Sa responsable, Françoise Cousin, aurait mis sa démission dans la balance.
« Tout cela est intellectuellement très déprimant », déplore un conservateur, qui constate que ce désintérêt progressif pour les textiles anciens a néanmoins une conséquence positive : la déprime du marché spécialisé. Les prix en vente publique seraient en effet au plus bas, et certains conservateurs avisés ont récemment acquis des pièces rares pour des sommes dérisoires. Pour les musées, il y aurait donc des affaires à saisir. À condition, toutefois, qu’il y reste encore quelques scientifiques capables de les repérer.
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Émotion chez les conservateurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Émotion chez les conservateurs