Vous quittez la présidence de l’ANdÉA avant la fin de votre mandat ; existe-t-il une raison particulière à cela ?
Relativisons : j’ai annoncé ma décision il y a trois mois et je suis resté huit ans alors qu’aucun président n’était resté plus de quatre ans. Par ailleurs, l’ANdÉA étant maintenant un acteur reconnu de l’enseignement supérieur artistique, la fonction est devenue prenante sur le plan personnel. Sans successeur désigné au bout de deux mandats, j’ai prolongé mon mandat pour terminer les chantiers en cours et mieux préparer ma succession. D’ici mars 2018, les quatre vice-présidents assureront l’intérim et prépareront les élections : Jean-Michel Géridan (directeur de l’école de Cambrai), Muriel Lepage (Clermont), Stéphane Sauzedde (Annecy) et Bernhard Rüdiger (artiste et enseignant à Lyon).
Vous avez parlé de « fin de cycle » durant votre discours à Strasbourg (lire ci-dessous). Pourtant, un dossier brûlant est encore sur la table : le statut des enseignants des écoles territoriales.
Le « Conseil national de l’enseignement supérieur et la recherche artistiques et culturels » (Cneserac), pour lequel j’ai beaucoup œuvré, va être formé. L’harmonisation des cursus au niveau master a été conduite avec succès et, d’ici quelques semaines, le diplôme national d’art (DNA) vaudra enfin grade de licence dans tout notre réseau, mettant fin à un chantier engagé il y a près d’une décennie. Oui, c’est un nouveau cycle qui s’ouvre. Il reste de nombreux dossiers à poursuivre, mais un conseil d’administration renouvelé les abordera avec un œil neuf. C’est notamment le cas de la nécessaire harmonisation du statut des enseignants, pour laquelle l’ANdÉA se battra pied à pied.
Avec le recul, cette question est-elle le regret majeur de votre mandat ?
Nous avons commis une erreur collective, celle de n’avoir pas lié la réforme des établissements (EPCC, établissement public de coopération culturelle) de façon indissociable à la réforme du statut des enseignants. Même si la réforme est désormais plus complexe, elle est encore possible et nécessaire. Il faut parler avec notre ministère de tutelle (rendez-vous est pris avec le cabinet de Françoise Nyssen début octobre), mais aussi avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, celui de la Fonction publique et enfin le ministère de l’Intérieur (Direction générale des collectivités locales). Vu le travail interministériel exigé, l’harmonisation des statuts est sans doute le dossier prioritaire – et de longue haleine – qui attend le prochain bureau.
Quels seront les autres chantiers ?
Mettre le Cneserac sur de bons rails sera primordial. Ensuite, une meilleure collaboration avec nos homologues européens doit être engagée. Il existe aussi des questions pédagogiques particulières. Sur des disciplines pointues comme le design graphique, une myriade d’écoles privées arrivent sur le secteur. Les écoles supérieures d’art et de design doivent penser leurs spécificités en la matière, concevoir et formuler un enseignement dont la légitimité soit renforcée auprès des étudiants comme des professionnels. Ce chantier est déjà lancé à l’échelle nationale. Enfin, je pense que le statut d’EPCC, malgré les critiques dont il est parfois l’objet, est un outil encore trop faiblement exploité : les nombreuses écoles multi-sites, les écoles pluridisciplinaires (Strasbourg) ou transdisciplinaires (Artem, à Nancy), ou encore les EPCC associant aux écoles des institutions (la Cité du design à Saint-Étienne, le projet « MoCO » à Montpellier) ouvrent de belles perspectives.
Les écoles ont profondément changé depuis 2009. En quoi être étudiant en école d’art est-il différent aujourd’hui d’il y a dix ans ?
Avec l’harmonisation des diplômes et l’internationalisation des parcours et des enseignements, nos étudiants sont plus ouverts au monde. Ce n’est pas un hasard si nos écoles s’inscrivent davantage dans l’enseignement supérieur au moment où le politique fait constamment référence à la créativité et à l’innovation comme moteur économique. Ensuite, la réalité de nos formations est mieux connue et mieux formulée. Enfin, nos écoles se sont beaucoup restructurées pour proposer une individualisation des parcours nettement plus forte qu’avant.
On vous imagine plus occupé que jamais par le projet lyonnais ?
Je commence mon troisième mandat à la tête de l’école. Jean de Loisy (président du Palais de Tokyo) et Colette Barbier (directrice de la Fondation d’entreprise Ricard) ont intégré notre conseil d’administration, nous avons doublé nos effectifs de classe prépa et nos rapports avec la tutelle sont excellents. L’horizon qui s’ouvre est stimulant et je me réjouis de m’y consacrer pleinement.
L’ANdEA attend un signe de la ministre
À l’occasion de leur séminaire annuel, et alors que la ministre n’a pas encore rencontré les représentants des écoles d’art de France, ceux-ci ont évoqué de nombreux sujets.Strasbourg. Avec un professionnalisme remarqué, la Haute école des arts du Rhin (HEAR, ex-Arts décoratifs de Strasbourg) a accueilli les 7 et 8 septembre le séminaire annuel de l’Association nationale des écoles d’art (ANdEA). Les questions internationales – Strasbourg oblige – étaient à l’honneur de cette édition, durant laquelle les intervenants venus d’Europe, d’Amérique et d’Afrique ont apporté un éclairage bienvenu sur les supposées spécificités hexagonales : les freins à la mobilité, les harmonisations des diplômes ou encore les places respectives de la théorie et de la pratique dans les enseignements ne sont pas des problèmes franco-français. Les leçons des ateliers successifs ont redonné du baume au cœur des quelque 300 directeurs, enseignants et étudiants présents. Car si la place de l’enseignement supérieur artistique français en Europe et dans le monde est une question clé, à l’heure de la mobilité des étudiants, les débats ont encore dérivé du côté du statut des enseignants (des écoles territoriales) et de la longue et difficile adaptation au statut d’établissement public de coopération culturelle (EPCC) que sont devenues presque toutes les écoles. L’été n’a pas gommé les crises de l’hiver dernier, quand le ministère de la Culture a acté sur ces sujets une rupture entre écoles nationales et territoriales (lire le
JdA no 471, 20 janvier 2017).Or, depuis, silence radio. Le rendez-vous avec le cabinet de Françoise Nyssen ayant été repoussé au mois d’octobre, les écoles supérieures d’art organisent leur rentrée sans connaître la position de la nouvelle ministre sur l’un des sujets majeurs conditionnant leur avenir. Même absence d’information sur le soutien du ministère de la Culture aux écoles territoriales en difficulté : les quatre écoles des Hauts-de-France craignent toujours l’épée de Damoclès de la Région, depuis que Xavier Bertrand a lié la poursuite des subventions régionales à un amaigrissement drastique des écoles de Tourcoing-Dunkerque, Amiens (municipale), Cambrai et Valenciennes.La dernière sortie officielle d’Emmanuel Tibloux en tant que président (lire ci-dessus), après plus de huit ans passés à la tête de l’association, a aussi été l’occasion pour lui de dresser un bilan. Au-delà des crispations liées aux nombreux changements intervenus lors de cette décennie de transition (EPCC, évaluations et harmonisation liée au processus de Bologne), Emmanuel Tibloux a permis de placer l’ANdEA au rang d’interlocuteur de premier plan du ministère : la dimension politique de son action a été dûment rappelée et saluée.