On la savait brésilienne, on la pensait exubérante. Pas du tout. Elle incarne à merveille le mariage entre la culture européenne et la force inventive et sans complexe du Brésil. Le mot « humanisme » revient sans cesse dans ses propos. Et pour cause. Son grand-père, Silva Jardim, est l’un des fondateurs de la République brésilienne. Son père, Wilson Jardim Neves, un grand avocat dont les plaidoiries ont bercé sa jeunesse. Ainsi s’explique qu’après des études sages dans les collèges de la bonne société, elle se rebiffe sous la dictature des colonels et doive s’exiler. Elle aura quand même le temps de se frotter à l’art dans l’atelier de Franck Schaffer d’Ibere Camargo. Elle rêvera aussi devant les figures tutélaires de l’architecture brésilienne. Comment résister au charisme de Oscar Niemeyer ou du visionnaire Sergio Bernardes avec ses projets utopistes d’appartement « auto-produit » et évolutif, bien avant Archigram ? Les années 70 seront parisiennes. Elle étudie à Paris V la sociologie et l’anthropologie, s’initie aux problèmes urbains dans la boue de Saint-Quentin-en-Yvelines, passe un doctorat à l’Ecole des Hautes Etudes, dirige l’Atelier d’Urbanisme pendant trois années
à Antony où elle s’investit avec ardeur. Elle lâchera tout avec la même conviction. Elle a en effet rencontré son Breton de mari et réalise que les cuisines politiques liées à l’urbanisme ne sont pas de son ressort. Elle se tourne alors vers la création. Naissance de son premier fils et de ses premiers meubles dont le célèbre bureau 24 heures et la lampe Solas. Elle ouvre la galerie Mostra, se lance dans l’édition d’objets, fait des expositions de meubles d’artistes, de designers et d’architectes. L’architecture d’intérieur l’accapare. Elle trouve sa voie en appliquant ses connaissances de l’urbanisme à petite échelle dans les intérieurs qui deviennent des morceaux de ville. Elle fait mouche avec l’ambiance chaleureuse de son Café de la Musique à la Villette. Elle étonne en remportant le concours pour le tramway de Bordeaux devant Dominique Perrault, Philippe Starck ou Chemetov ! Elle s’intéresse à la muséographie, créant un parcours intérieur dans le musée d’art coréen de Séoul,
avec des respirations telles que des fenêtres, des salles de repos, des plantes qui tombent du plafond. On retrouve cette même vie de la rue avec ses vitrines dans son projet pour le Musée de Bretagne à Rennes. Même désir d’animation dans son projet pour l’Ambassade de France à Berlin où, aidée de Jean-Hubert Martin, elle invente un parcours lié à l’art contemporain. Enfin, le restaurant les Grandes Marches, collé à l’Opéra Bastille. Autour d’un monumental escalier en colimaçon, se déroule un espace à la fois convivial et assez magique avec ses courbes mises en valeur par une infinité d’angles pointus, ses faux plafonds, ses volumes soulignés par l’éclairage et qui s’intègrent à l’architecture même. Les couleurs sont un régal. On passe avec gourmandise du rouge au framboise, du corail à l’orangé mandarine, et en haut, du bleu nuit au violet et au pourpre. Toutes ses tonalités sont rythmées par des gris. Les meubles sont asymétriques (déclinaison du triangle et du trapèze), comme tirés par l’oreille, et édités par Poltrona Frau. Deux projets futurs pour deux fondations d’art : la rénovation intérieure d’un immeuble new-yorkais du XIXe siècle de quatre étages à Chelsea, et un bâtiment industriel en briques pour abriter une collection d’art conceptuel à Bruxelles.
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Elisabeth de Portzamparc, l’art de l’éclectisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°526 du 1 mai 2001, avec le titre suivant : Elisabeth de Portzamparc, l’art de l’éclectisme