Leader des musées en région, le Musée des beaux-arts de Lyon parvient à s’imposer
face aux navires amiraux parisiens.
Malgré d’inévitables disparités, les 362 musées français participant à notre enquête font preuve d’un incontestable dynamisme. Avec plus de 41 millions de visiteurs en 2008 – dont, il est vrai, plus de 30 millions pour les seuls établissements parisiens et le château de Versailles –, ils apparaissent comme des moteurs culturels du territoire. Si les marges de progression en termes de fréquentation et de renouvellement des publics demeurent importantes, cette popularité des musées justifie amplement le vaste mouvement de rénovation initié au début des années 1990. Contre toute attente, et malgré une conjoncture internationale délétère, le nombre de touristes (c’est-à-dire de visiteurs non locaux) a cru en 2008 de manière très sensible, atteignant la part de 74 % du nombre total de visiteurs. La fréquentation scolaire, clef de la sensibilisation, a connu également une hausse significative en passant de 11 % des visites en 2007 à 21 %. La gratuité est également une variable significative : 37 % des visiteurs sont exonérés de droit d’entrée. Le premier semestre 2008 a toutefois été marqué par le lancement d’une initiative du ministère de la Culture expérimentant la gratuité dans 14 musées et monuments nationaux (lire l’encadré). Sur le panel d’établissements retenus, cette mesure a dopé en moyenne de 52 % les chiffres de fréquentation. D’importantes disparités sont toutefois à relever : 86 % au Musée national de la Renaissance (château d’Écouen, Val-d’Oise) contre 41 % au Musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny, à Paris. L’instauration de cette mesure temporaire a eu une autre conséquence notable : elle a été synonyme d’une baisse sensible des ressources propres des musées, signe que cette politique généreuse, mais dispendieuse, est un luxe que tous les établissements ne semblent pas pouvoir s’offrir. Gratuits depuis 2002, les musées placés sous tutelle de la Ville de Paris en témoignent avec la contraction significative de leurs ambitions en matière de programmation d’expositions temporaires. Or cette tendance sera encore accentuée en 2009, comme l’a récemment confirmé le maire de Paris, Bertrand Delanoë (lire le JdA n°301, 17 avril 2009). Et le phénomène pourrait concerner d’autres musées. Contrairement aux années précédentes, le nombre d’expositions temporaires (1 163 au total, dont moins de la moitié assorties d’une publication) s’est en effet stabilisé en 2008, avec une progression limitée à 3 %, contre 9 % en 2007. Lorsque les musées cherchent à faire des économies, ils semblent ainsi contraints de réduire en premier lieu leurs activités scientifiques...
Un succès logique
En matière de dynamisme, la hiérarchie traditionnelle des grands musées nationaux est bouleversée cette année par l’arrivée d’un nouveau vice-champion : le Musée des beaux-arts de Lyon. Ce dernier accède donc à une place légitime parmi les meilleurs, succès logique pour cet établissement municipal soutenu par sa tutelle et animé par une équipe qui parvient à produire, à coûts serrés (1 million d’euros pour une dizaine d’expositions par an), une programmation de qualité, alternant entre les disciplines et les époques. 2008 a également été l’année de l’entrée dans les collections de la désormais célèbre Fuite en Égypte de Nicolas Poussin, tableau acquis grâce à une spectaculaire opération de mécénat montée en partenariat avec le Musée du Louvre. En matière de dynamisme, le Musée des beaux-arts de Lyon dame ainsi le pion aux autres grands musées régionaux (Lille, Rouen, Nantes...) qui ne parviennent pas cette année à intégrer le Top 10. Autre surprise : le Musée du Louvre cède la première place au Musée national d’art moderne (MNAM) et se trouve relégué en 5e position. En plus d’une très faible hausse de sa fréquentation ( 1,2 %, avec 8,3 millions de visiteurs), le Louvre a en effet vu s’éroder très fortement ses recettes commerciales. Celles-ci accusent une diminution de 21 % et passent au-dessous de la barre des 100 millions d’euros (96 millions d’euros dont 44,9 millions de recettes de billetterie). Malgré de belles affiches en termes d’exposition, avec « Babylone » et, en fin d’année, « Mantegna », les ventes de produits dérivés et d’édition semblent donc avoir été victimes d’un pouvoir d’achat en berne. A contrario, le Musée national d’art moderne a produit une excellente année 2008. De bons résultats dus, notamment, à un très fort taux de visiteurs payants (84 %) – contre 68 % au Louvre – , cela alors que le musée ne comptabilise que 37 % de touristes, contre 67 % au Louvre. L’attractivité de Beaubourg est en partie liée au caractère pléthorique de sa programmation, avec pas moins de 23 expositions (« Villeglé », « Traces du Sacré », « Louise Bourgeois », « Dominique Perrault », « Richard Rogers »...) organisées grâce à un confortable budget de 6,7 millions d’euros, soit une moyenne proche de 290 000 euros par manifestation. Le trio de tête est complété par le Musée Guimet qui a pourtant connu une année 2008 émaillée d’aléas susceptibles de ternir ses résultats. Des problèmes d’ordre diplomatico-politiques ont en effet provoqué l’annulation inopinée d’une importante exposition consacrée aux arts du Bangladesh (« Chefs-d’œuvre du delta du Gange »), alors que la gratuité temporaire, si elle a accru de 21 % la fréquentation de l’établissement, a aussi contribué à une érosion de 15 % des recettes commerciales du musée. Cet établissement pourtant très spécialisé – il n’attire que 33 % de touristes – parvient donc à rester très attractif grâce à son efficace politique de médiation et peut ainsi se targuer de compter plus de 24 000 participants à son programme de conférences. Le Musée de l’armée, à Paris, réalise quant à lui une très belle progression et vient se hisser devant les musées du Louvre et d’Orsay. Champion des locations privées – plus de 400 en 2008 –, cet établissement logé au cœur de l’ancien hôtel des Invalides bénéficie d’une forte fréquentation touristique (plus de 80 %) – le château de Versailles atteint le record logique de 85 % – due au caractère incontournable d’une visite du Dôme et du tombeau de Napoléon, mais aussi au vaste programme de rénovation et d’ouverture de nouvelles salles qui a contribué à renforcer l’offre culturelle du site. L’effet « lune de miel » consécutif à une ouverture ou à une réouverture après rénovation peut susciter une certaine méfiance. Après une année 2007 euphorique, le Musée du quai Branly et le Musée des arts décoratifs ont perdu respectivement 5 et 6 % de visiteurs au cours de l’année 2008… Des chiffres qui devraient toutefois se stabiliser rapidement et qui n’ont manifestement pas trop affecté les recettes de ces deux musées parisiens.
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Dynamisme
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Abonnez-vous dès 1 €Un recours en annulation devant le Conseil d’état. Tel est l’effet inattendu de la mesure de gratuité « ciblée » pour l’accès à 50 musées et monuments nationaux destinée aux jeunes de moins de 26 ans, entrée en vigueur le 4 avril. Motif : cette disposition ne concerne que les jeunes ressortissants des 27 pays de l’Union européenne, ce qui, pour l’association SOS Racisme, initiatrice de cette action, constitue une mesure discriminatoire « pour l’accès à un service public et à une prestation éducative ». Le ministère de la Culture, qui avait pourtant milité en faveur d’une gratuité ciblée, n’avait manifestement pas prévu ce hiatus. Christine Albanel, qui s’est dite « très surprise » par cette action, s’est engagée à réfléchir à une extension du dispositif à tous les jeunes résidents dans l’Hexagone, tout en annonçant vouloir continuer à en exclure les touristes. La Rue de Valois attendra vraisemblablement la décision du Conseil d’état pour rectifier le tir. D’un coût estimé à 30 millions d’euros, cette mesure résulte d’une promesse de campagne du président de la République, Nicolas Sarkozy. Sa mise en place a été longue et a suscité de nombreux débats. Une expérimentation de la gratuité totale menée durant le premier semestre 2008 sur un échantillon de musées et monuments nationaux a montré que cette mesure globale était pourtant favorable aux primo-visites au musée. 6 visiteurs sur 10 ont ainsi déclaré être venus par ce biais pour la première fois dans l’établissement et 47 % avoir décidé de leur visite en fonction de cette gratuité. Malgré ces résultats, la Rue de Valois a décidé de ne mettre en œuvre qu’une gratuité limitée aux jeunes de moins de 26 ans. étude menée sur un échantillon de 6 546 personnes par le cabinet Public et Culture. Résultats analysés par les chercheurs du Cerlis de l’Université Paris-Descartes. La Gratuité dans les musées et monuments de France : quelques indicateurs de mobilisation des visiteurs, par Jacqueline Eidelman et Benoît Céroux, étude consultable sur le site du ministère de la Culture. www.culture.gouv.fr/deps
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°305 du 12 juin 2009, avec le titre suivant : Dynamisme