D’un siècle à l’autre

Comme chaque année, faisant écho au Salon du dessin, plusieurs ventes aux enchères à Paris se fédèrent autour de l’événement. Le cru 2011 des pourvoyeurs de belles feuilles donne la part belle aux dessins français des XVIIIe et XIXe siècles.

Le Siècle des lumières est magistralement représenté par un grand pastel de François Boucher et son atelier illustrant une Femme dans un parc tournée vers la droite, daté de 1752, conservé dans un très bel état et estimé entre 100 000 et 150 000 euros (Christie’s, le 1er avril). « La provenance prestigieuse de ce dessin est connue dès 1845, lorsqu’il fut présenté aux enchères lors de la vente de la collection du marquis de Cypierre, dont la famille acquit le château d’Auvilliers, autrefois propriété de Madame de Pompadour. En raison de la provenance mais aussi de la ressemblance du portrait avec la célèbre maîtresse de Louis XV, le dessin était autrefois appelé Portrait de Mme de Pompadour », rapporte l’expert Ketty Gottardo. Le pastel est ensuite entré dans la collection renommée d’Arthur Georges Veil-Picard, et a été transmis par descendance à son propriétaire actuel. « Nous pouvons apprécier tout particulièrement la richesse des étoffes, la beauté simple du geste de la main et la fraîcheur des coloris de cette composition », poursuit l’expert. 

Dans la même vacation, on retiendra deux dessins de Jean-Baptiste Greuze, estimés 20 000 euros chacun. L’un, réalisé à la pierre noire et lavis gris, représente Deux fillettes assises ; l’autre est un portrait à la sanguine d’Alexandre Brongniart, enfant, futur directeur de la Manufacture de porcelaine de Sèvres et fils de l’architecte du Palais de la Bourse de Paris. Une très belle étude très vigoureusement travaillée au lavis gris par Greuze, Charité, femme allongée sur les marches d’un temple avec un enfant, est proposée pour 30 000 euros (Piasa, le 31 mars). Dans la même vente se présente le Portrait d’un révolutionnaire de profil gauche par Jacques Louis David, le premier d’une série de portraits de jacobins exécutée le 21 juin 1795 (le 3 messidor an III) « en moins de vingt minutes et sur les genoux », d’après une annotation d’époque portée au dos de l’encadrement. Fervent jacobin et ami de Robespierre, le peintre David est en prison quand il croque ce beau portrait, estimé 150 000 euros. De la collection de Chirée (SVV Aguttes, le 30 mars), on relèvera une Femme en capuche avec un éventail de Jean-Baptiste Deshays, gendre de Boucher et suiveur de Watteau. Estimé 8 000 euros, ce plaisant dessin aux trois crayons suivra un ensemble de paysages très lumineux au lavis d’encre de Chine par Constantin d’Aix, estimés 1 000 à 10 000 euros pièce. 

Géricault, Hugo, Ingres
Rivalisant avec les dessins du XVIIIe, les œuvres du XIXe séduiront certainement les amateurs. On retiendra une étude inédite de Théodore Géricault pour le Radeau de la Méduse, à l’encre et au lavis brun, estimée 40 000 euros (Piasa). Quelque peu fragilisée par l’encre imprégnée dans le papier, la feuille illustre un groupe symbolique de naufragés rampant à genoux. Parmi un lot d’études de Géricault provenant de l’ancienne collection Pierre Olivier Dubaut (Artcurial, le 30 mars), on trouvera le dessin préparatoire d’un naufragé brandissant une hache pour le projet La Mutinerie, un des épisodes terribles de l’errance du radeau de La Méduse (est. 12 000 euros).ainsi qu’une feuille au crayon noir. Y figure également la course romaine des chevaux libres, soit une étude préliminaire pour un groupe du tableau La Mossa (1817) (est. 35 000 euros). 

Toujours chez Artcurial, sera présentée La Petite Sœur, ravissant dessin à l’estompe et rehauts de gouache blanche sur traits de crayon signé Louis Léopold Boilly (est. 30 000 euros), continuateur de Greuze dans ses scènes de la vie quotidienne au début du XIXe siècle. Dans un tout autre genre, Château fantastique, superbe composition à la plume de Victor Hugo, tient la vedette. Estimé 90 000 euros, ce dessin, « dans un merveilleux état de conservation, n’a quitté la famille Hugo que pour rejoindre la collection de l’arrière-grand-père de l’actuel propriétaire », souligne l’expert Patrick de Bayser. 

Notons enfin chez Christie’s ce Portrait d’homme en buste signé Jean-Dominique Ingres, exécuté à Rome en 1814 et estimé 120 000 euros – il peut représenter une personne de l’entourage de la famille Murat ou une connaissance de l’artiste en Italie. Sans oublier le Portrait de femme portant une coiffe, grand dessin de Jean-François Millet resté dans l’atelier de l’artiste jusqu’à sa mort et estimé 70 000 euros.