PARIS - Pour enrichir leurs collections, à l’heure où les budgets d’acquisition ne peuvent rattraper les envolées du marché de l’art, les musées ne pourraient se passer de ces généreux donateurs qui décident de faire entrer leur patrimoine dans le domaine public. PAR DAPHNÉ BÉTARD
Mais ce processus se heurte parfois à des conflits d’intérêts. Certains membres de la famille du donateur peuvent, en effet, être amenés à revendiquer a posteriori la propriété des œuvres que le musée a, par ailleurs, contribué à valoriser au fil du temps par son action scientifique. En France, il est impossible d’offrir la totalité de son patrimoine à un tiers sans en transmettre au moins une partie aux héritiers de sa famille. Au nom de cette « quotité disponible » ou « réserve héréditaire », si les ayants droit se lancent dans des procédures pour récupérer les œuvres offertes, ils sont quasiment sûrs de voir leur demande aboutir. Ainsi, il y a quelques années, le Musée Mathurin Méheut de Lamballe a été dépourvu de la moitié de ses collections par les héritiers du donateur. D’autres musées ont déjà connu ce type de problème, comme le Louvre avec la donation Pereire ou le Musée de Villeneuve d’Ascq.
Pour pallier ces difficultés, l’Association générale des conservateurs des Collections publiques de France réfléchit depuis plusieurs années à la possibilité de pouvoir refuser une donation s’il n’y a pas eu d’accord avec les héritiers. Chargée du dossier, Véronique Burnod, secrétaire générale adjointe de l’association, ancienne conservatrice du Musée de Cambrai, prône l’adoption d’un décret qui permettrait au conservateur de faire jouer la clause de conscience en cas de désaccord avec la famille du donateur. Avec l’accord des héritiers, la donation ne pourra plus ainsi être contestée. Un premier pas avait déjà été franchi avec le pacte Perben (L. 23 juin 2006, sur la réforme des successions et des libéralités). Et le premier pacte successoral avait été signé en février 2008 par le Musée de Cambrai à l’occasion de la donation Fruhtrunk. Autre avancée juridique, la circulaire du 3 novembre 2009 destinée aux responsables des collections des musées de France avait formulé des recommandations dans le cadre des dons.
Mais une circulaire n’est pas pérenne et, si le décret était adopté, le musée pourrait agir directement sans passer par le Service des musées de France, au sein de la direction des patrimoines du ministère de la Culture, comme le souligne Véronique Burnod. Et de préciser : « Le décret assainirait le processus de donation et affirmerait les valeurs du musée. Les conflits passés ont fait un tort considérable aux musées, particulièrement en régions, où le conservateur tisse des liens très étroits avec ses donateurs. Ce décret serait aussi une façon de replacer la transmission de la mémoire, la famille, l’individu, au cœur du musée ». Ses arguments ont fait mouche puisque, en novembre dernier, Marie-Christine Labourdette, directrice du Service des musées de France, a donné son feu vert. Seul hic : cela s’est accompagné d’un délai de huit mois pour mettre le décret sur pied. Mais en cette période de campagne électorale, le calendrier ainsi défini comporte le risque de devoir tout recommencer en cas de changement de majorité.
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Don au musée
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Abonnez-vous dès 1 €La maison du Bourreau à Lamballe (Côtes d'Armor), abritant le musée Mathurin Méheut - © Photo : Thesupermat - 2011 - Licence CC BY-SA 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°366 du 30 mars 2012, avec le titre suivant : Don au musée