Design et automobile

De l’électricité dans l’air

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 20 mars 2009 - 1609 mots

Si le salon de Genève 2009 n’a pas fait l’impasse sur les classiques du marché de l’automobile – innovation, concept-car… –, le secteur prend clairement la direction de l’écologie. Mieux vaut tard…

A chaque nouveau salon de l’automobile, la question est récurrente : à quoi ressemblera la voiture de demain ? Le salon de Genève, 79e du nom, qui s’est tenu du 5 au 15 mars dernier, n’a pas dérogé à la règle. Sauf que, crise économique oblige, l’industrie automobile mondiale est aujourd’hui dans une situation peu enviable.
À la veille de l’ouverture au public dudit salon, l’ACEA (Association des constructeurs automobiles européens) a ainsi estimé que la production de voitures en Europe devrait baisser de 25 % cette année, par rapport à 2008. On l’aura compris, le climat n’est pas plus sereins, et ce, malgré plus d’une centaine de premières mondiales et européennes.
À quoi ressemblera l’automobile du futur donc ? Sur les bords du lac Léman, deux mondes semblaient s’affronter ou plutôt se regarder en chien de faïence. Le premier continue à penser la voiture, comme il le fait depuis un siècle, autour du sacro-saint moteur à essence. Le second cherche non seulement une alternative à ce propulseur thermique, mais aussi à créer le nouveau mode de vie inhérent. In vivo, il est bien sûr flagrant de constater combien l’écart est immense entre ces deux conceptions.
Quoi qu’il en soit, les marques affichent leurs atours comme à l’accoutumée. Côté extérieur, elles rivalisent d’excellence comme en témoignent ces luxueuses routières que sont les Audi A5, Mercedes Classe E, Volvo S80 et autres BMW Série 5 Gran Turismo. Côté intérieur, la grande révolution vient assurément de l’informatique embarquée : « La technologie digitale autorise désormais l’affichage d’une multitude d’informations directement sur le tableau de bord au moyen d’un écran vidéo, explique Fabio Filippini, directeur du design intérieur chez Renault. La résolution de l’image est telle que l’on peut créer des univers hyperréalistes. Selon son humeur, on choisit une ambiance plutôt zen, avec seulement quelques informations de base, ou un graphisme sur fond noir, beaucoup plus sportif, en passant par une ambiance bleue assez fraîche, idéale pour le matin… » Bref, à chacun son atmosphère.

À chacun son concept-car
L’un des exercices incontournables d’un salon est celui du « concept-car ». Cette année, même la firme low cost Dacia s’y est pliée avec le Duster Concept, un véhicule à la silhouette accrocheuse imaginé par le Centre de design Renault installé à Bucarest. En regard, Nissan a, par exemple, montré le Qazana, Hyundai le Ix-Onic Concept, Ford le Iosis-Max, enfin Mazda le Kiyora. La petite touche d’exotisme, elle, est venue du constructeur indien Ratan Tata, patron de Tata Motors, venu en personne présenter la version européenne de la Nano, une mini-quatre portes urbaine attendue sur le marché européen pour 2010-2011. Enfin, comme la plupart des constructeurs ne sont pas totalement aveugles à la vague du développement durable, ils ont mis à l’honneur moult véhicules dits « hybrides » – moteur thermique et électrique –, lesquels rivalisent pour émettre de moins en moins de CO2 au kilomètre. En pointe dans le domaine, Toyota a ainsi exhibé sa Prius 3e génération, une voiture qui n’émet « que » 89 grammes de CO2 par kilomètre – taux le plus bas du marché actuellement –, largement en dessous des normes (130 gr/km) prévues par l’Union européenne pour les voitures neuves à partir de 2012.
Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si la crise n’était advenue. Mais cette dernière n’est évidemment pas la cause de tous les maux, car l’appétit des clients était déjà défaillant avant. En effet, de plus en plus nombreux sont ceux pour qui la voiture est davantage un moyen de transport qu’un objet de liberté. En outre, statut social ou puissance du moteur ne sont plus des éléments clés dans le choix d’un véhicule. Résultat : l’industrie automobile en son entier est à réinventer. Son salut passerait-il par l’électricité ?

La tendance ? Le green car
À voir cette édition 2009 du salon de Genève, il y a tout lieu de le croire. La vision en est, certes, un peu caricaturale. Sur les stands, les bornes de rechargement ont fleuri tels les champignons après la pluie. Pas une marque n’arborait pas un modèle avec un câble électrique qui pendouillait bien en évidence. Partout, le mot d’ordre tient en deux lettres : « Z-É ». Traduction : « Zéro Émission ».
Concrètement, il y a deux manières de faire. Soit prendre une carrosserie existante et y intégrer un moteur électrique : c’est le cas de la Mini-e du Groupe BMW et de la Smart Electric Drive du Groupe Daimler, mise sous tension par le constructeur allemand Brabus. Soit imaginer un projet global. Renault a ainsi exposé la ZE Concept Car, un étonnant véhicule au pare-brise fluo qui offre plusieurs avantages dont une carrosserie isolante qui fonctionne à l’instar d’une bouteille Thermos, des vitres vert acide assurant une isolation thermique optimum, des panneaux solaires, ou encore des phares fonctionnant à l’aide de diodes électroluminescentes haute performance. De son côté, Citroën a montré la C-Cactus, une drôle d’auto plutôt grassouillette, et, en contrepoint, un engin au contraire ultra profilé baptisé GT, un concept-car tout électrique qui tient davantage du divertissement stylistique, ayant été conçu pour un jeu vidéo distribué par Polyphony Digital, leader du jeu sur console électronique.
Encore faut-il, pour que ces projets aboutissent, que les grandes firmes automobiles arrivent à vaincre l’inertie inhérente à leur métier de base. Car, comme on l’aura observé à Genève, des sociétés non issues du sérail arrivent désormais sur le devant de la scène. « Il n’est pas étonnant que ces nouveaux acteurs proviennent d’autres secteurs comme l’informatique ou les nouvelles technologies, estime Stéphane Bureau, designer français qui a conçu des simulateurs et des démonstrateurs pour le stand Renault. Ils ont l’habitude de travailler en réseau et sont donc au faîte des notions de mobilité et de fluidité. En regard de celle des constructeurs traditionnels, leur réflexion est en pointe quant aux structures à mettre en place pour développer les infrastructures nécessaires à la viabilité du véhicule électrique ». Bref, leur présence est tout sauf un hasard.
Ainsi en est-il de l’entreprise californienne Tesla Motors qui a dévoilé, pour la première fois en Europe, son déjà fameux roadster Tesla (lire page ci-contre). Autre exemple : la Bluecar, développée par le Groupe Bolloré, holding spécialisé dans le transport, la logistique, l’énergie, et les médias. La voiture a été dessinée par le designer transalpin Pininfarina et sera produite à Turin. Mercredi 4 mars, Vincent Bolloré a d’ailleurs lui-même tenu à être présent, en Suisse, pour lancer les pré-réservations de son véhicule qu’il compte vendre ou louer dès 2010. Autonomie : 250 kilomètres. Vitesse maximale : 130 km/h.
Sur ses terres, le fabricant helvète Frank Rinderknecht, fondateur de l’entreprise Rinspeed, a, lui, dévoilé la iChange, une voiture de sport électrique et étrange, qui arbore une carrosserie variable. Sa longueur peut, en effet, être modulée en fonction du nombre de passagers. En l’absence de porte, l’accès à bord s’effectue lorsque le toit électrique est ouvert. À l’opposé de cette sportive aguichante, la toute menue Nuvu de Nissan est une petite bulle logeant trois sièges décalés. Avant d’être proposée aux particuliers en 2012, elle devrait faire ses gammes dans le privé. « Dès l’année prochaine, la Nuvu intégrera des flottes commerciales aux États-Unis et au Japon, puis en 2011, au Danemark et en Israël », assure Isabella Le Bourgeois, coordinatrice de la communication Stratégie et Planning chez Nissan. Reste à créer les réseaux fiables. « Nous sommes en discussion avec des gouvernements et avec des sociétés susceptibles de créer les infrastructures, telle la firme Project Better Place, qui développera des réseaux de parkings et de bornes destinés aux rechargements des Nuvu », précise Isabella Le Bourgeois.
Les consommateurs se disent intéressés par cette technologie. Or, pour l’heure, le prix d’une voiture électrique est beaucoup plus élevé que celui d’un véhicule à moteur thermique. Il pourrait donc constituer un frein à son développement. En outre, si le problème d’émission de CO2 est résolu, deux nouvelles questions se posent : celle de la production des batteries électriques et celle de leur recyclage. Un « Zéro Émission », seul, ne fait pas le printemps.

Le Tesla Roadster, la sportive propre à moins de... 100 000 euros !

À Genève, ce fut sa première sortie européenne, mais aux États-Unis, il est déjà une star plébiscitée par d’autres stars, celles d’Hollywood, ainsi que par les patrons de la Silicon Valley. Quelque 1 200 véhicules seraient déjà en circulation aux États-Unis. Imaginé en 2006, le Tesla Roadster est constitué d’une coque en fibre de carbone fixée sur un châssis en aluminium. Poids total : 1 220 kilos. Avec ses faux airs de Lotus, c’est une véritable voiture de course… mais électrique. Ses caractéristiques techniques parlent pour elle. Autonomie : environ 350 km. Vitesse maximale : 200 km/h. Enfin, le Tesla Roadster passe de 0 à 100 km/h en 3,9 secondes. Seul hic, son prix : 99 000 euros hors taxes.

Le Tesla Roadster est né dans la tête d’Elon Musk, aujourd’hui 38 ans, lequel a inventé le système de paiement en ligne PayPal, s’est enrichi grâce à lui dans les années 1990, puis l’a revendu à eBay pour une somme rondelette. Musk a alors réinvesti sa fortune dans deux nouvelles aventures : un projet de fusée spatiale, prévu pour une entrée en fonction en 2010, ainsi que la création d’une voiture haut de gamme « 100 % propre », le fameux Tesla Roadster. Ce dernier sera disponible en France à partir de juin 2009. n

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Design et automobile

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