D’où lui vient cette passion partagée pour les arts plastiques et pour la musique ? Paul-Arnaud Péjouan ne sait exactement le dire. Il se souvient seulement qu’elle est très ancienne et que, enfant, il adorait déjà dessiner, qu’à peine majeur il fréquentait le cercle post-surréaliste de ceux qui entouraient Breton, l’été, à St-Cirq Lapopie, et que, très tôt, il s’est gavé de Beethoven, Liszt, Mozart, Bartok et Janacek. Est-ce le choc de la découverte des combine paintings de Rauschenberg à la fin des années 60 qui l’a entraîné dans un camp plutôt que dans l’autre ? Difficile à affirmer puisqu’après huit années d’activités à l’atelier et en galerie, Péjouan a changé d’orientation pour œuvrer au sein d’une revue poétique intitulée L’Imaginaire. Une façon d’être davantage dans l’action culturelle que dans la création pure. D’en aborder la question d’un autre point de vue.
De partager avec l’autre, d’être à son écoute. Depuis le milieu des années 80, voilà Paul-Arnaud Péjouan nanti d’une double casquette : celle d’artiste, sous le pseudonyme d’Axel Arno, et celle de consultant en ingénierie culturelle. Très attaché au concept de « management humaniste », Paul-Arnaud Péjouan l’a mis en application dès 1980 en y créant un festival musical, intitulé Piano aux Jacobins. Pas moins de 10 000 personnes le suivent aujourd’hui. Parce qu’on est toujours amené à composer avec ses passions, Péjouan a cherché dès le début à lier musique et arts plastiques. Pour ce faire, il a imaginé un concept fondé sur l’invitation d’un artiste à intervenir dans le catalogue du festival sur le mode d’un vrai livre totalement inventé et à imaginer
une présentation de ses œuvres sur la scène. Des artistes aussi divers que Shirley Jaffe, Chema Alvargonzalez, Georges Rousse ou Rougemont (lequel est intervenu cette année à Toulouse) ont ainsi travaillé dans ce contexte, l’idée de Péjouan étant d’inviter tout à la fois les spectateurs à écouter de la musique et à contempler un travail plastique. À conjuguer plaisirs de l’ouïe et plaisirs de l’œil. Pris à son propre jeu et au succès rencontré par ce premier festival, Paul-Arnaud Péjouan a été amené à récidiver en créant à Angoulême, en 1994, une autre expression de son concept. Si Piano en Valois, qui se tient chaque année en octobre, connaît le même accueil, le contexte particulier de cette ville, ouverte à toutes les formes contemporaines d’image, de la BD à la vidéo, en a fait le lieu par excellence de toutes les expérimentations scénographiques. Pour le cru 2000 de Piano en Valois, et pour ce septième numéro, Paul-Arnaud Péjouan a décidé de faire appel à son propre alter ego, Axel Arno. Non point attitude narcissique et autosatisfaite – ce serait bien mal connaître l’individu – mais juste mesure des choses à considérer l’importance de son engagement en ce domaine. Péjouan est de ceux qui ne font jamais les choses, à moitié et il était naturel qu’il s’engage à son tour en tant que plasticien, là même où il en invite d’autres. La création vidéo piano, qu’il a imaginée sur les 32 Variations Goldberg de Bach et que jouera Alexandar Serdar, développe une architecture spécifique autour de 32 regards féminins dont le rythme des séquences évoquerait une approche musicale de l’image. La démarche de Paul-Arnaud Péjouan est à considérer à l’aune de deux citations. La première est d’Héraclite : « Comme ils ne savent pas écouter, ils ne savent pas non plus ce qu’ils disent » ; la seconde est signée Lacan : « Il ne faut jamais oublier que tout ce que l’on dit est un malentendu. » C’est dire si, pour Péjouan, il n’est qu’un maître mot, celui de communication. Entendu
au meilleur sens du terme quand il débouche sur l’aventure d’un partage.
Philippe Piguet ANGOULÊME, Piano en Valois, 11-24 octobre, tél. 05 45 38 61 63.
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Des plaisirs de l’ouïe aux plaisirs de l’œil
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°520 du 1 octobre 2000, avec le titre suivant : Des plaisirs de l’ouïe aux plaisirs de l’œil