Des mesures pour les musées de province

Prêts, dépôts, expositions, Catherine Trautmann veut rééquilibrer la carte de l’offre culturelle

Le Journal des Arts

Le 19 mars 1999 - 808 mots

Comme nous l’avions annoncé il y un mois (lire le JdA n° 77, 17 février), la ministre de la Culture a présenté, le 12 mars, une série de nouvelles mesures concernant les musées. L’intensification des dépôts dans les établissements classés et la création de Fonds régionaux d’aide à la restauration (Frar) sont les deux principaux axes d’une politique de déconcentration et de rééquilibrage entre régions et État, province et capitale.

ARRAS - Étendre l’accès à la culture, telle est la volonté affichée par Catherine Trautmann depuis son arrivée au ministère de la Culture. Lors de l’inauguration de la salle des Mays au Musée des beaux-arts d’Arras (lire p. 21), elle a annoncé plusieurs mesures en faveur des musées qui s’inscrivent effectivement dans un programme de proximité et de déconcentration. S’y sont greffés quelques éléments de démocratisation, comme le développement des sites pédagogiques pour les lycées et les collèges.

Si la présence des musées sur l’Internet a été vivement encouragée et si des crédits spéciaux ont été dégagés en 1999 pour soutenir quelques expositions “d’intérêt national” organisées en province, l’axe principal de cette politique de rééquilibrage sera l’enrichissement des collections territoriales. Une réorientation plutôt bienvenue : le choix et l’affectation des acquisitions avaient jusqu’à présent tendance à privilégier les grands établissements parisiens, comme l’ont encore récemment illustré l’achat du Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes, pour le Musée d’Orsay (lire le JdA n° 74, 8 janvier) et celui de La vision de sainte Françoise Romaine de Poussin, pour le Louvre (lire le JdA n° 77). La ministre a aussi reconnu que la procédure des prêts et des dépôts, favorable aux musées territoriaux, s’était “raréfiée depuis de nombreuses années”.

Le grand retour des dépôts
Aussi propose-t-elle de redynamiser cette pratique, notamment dans le cas d’inaugurations ou de réouvertures. Nancy et Strasbourg ont déjà bénéficié des largesses du Musée national d’art moderne, du Musée d’Orsay et du Louvre, et une liste de 19 sculptures a été établie pour le futur Musée d’art et d’industrie de Roubaix. Les dépôts viseront également à renforcer par une œuvre phare certains fonds dans des établissements classés et contrôlés, ou à redistribuer des pièces récemment acquises ou reçues par dation, tel ce Portrait de Berthe Morisot en deuil par Manet, acheté en 1988, qui faisait désormais doublon au Musée d’Orsay : il partira pour le Musée des beaux-arts de Lille, aux côtés des toiles de Monet, Sisley, Seurat, à la suite d’un accord entre les conservateurs concernés. Enfin, les musées de région pourront recevoir, pendant un an, un grand chef-d’œuvre des collections nationales. Geste hautement symbolique, le Louvre a accepté de prêter l’un de ses plus célèbres Poussin, Les bergers d’Arcadie, au Palais Saint-Pierre à Lyon.

Autre innovation, Catherine Trautmann souhaite mettre en place des Fonds régionaux d’aide à la restauration (Frar), tournés prioritairement vers la conservation préventive. Financés pour moitié par l’État, leur création pourrait être inscrite au prochain contrat de plan et favoriser le mouvement de déconcentration. Ces dispositions, assez mesurées – notamment en termes de coût – semblent aller dans le sens d’un rééquilibrage territorial plutôt positif. Reste à espérer qu’elles n’aboutiront pas à un désengagement financier de l’État dans les prochaines années.

Les heureux récipiendaires

Musée des beaux-arts, Nancy (inauguré le 6 février 1999) : 46 dépôts, dont des œuvres de Carrière, Maillol, Signac, Maurice Denis, Tintoret, Greuze, Théodore Rousseau, Juan Gris, César. Ville de Nancy : le programme des manifestations autour de “l’École de Nancy�? (à partir du 24 avril) reçoit une aide de l’État. Musée d’art et d’industrie, Roubaix (ouverture prévue à l’automne 2000) : 19 sculptures signées, entre autres, Bugatti, Pompon, Schnegg ou Desbois. Musée des beaux-arts, Rouen : Les noces de l’Amour et de Psyché de François Boucher. Musée des beaux-arts, Lille : Portrait de Berthe Morisot en deuil de son père par Édouard Manet ; un pastel d’Edgar Degas. Musée des beaux-arts, Caen : une Vue d’Étretat par Claude Monet, une Sainte Famille de Jacques Blanchard. Musée de Grenoble : un tableau anonyme du XVIIIe siècle Musée des beaux-arts, Orléans : une Mère jouant avec son enfant par Jean-Honoré Fragonard et, pendant un an, un portrait d’Edgar Degas. Musée de Picardie, Amiens : deux Marines de Joseph Vernet. Musée des beaux-arts, Valenciennes : deux œuvres de Nicolas Lancret. Musée Malraux, Le Havre : Portrait de Madame Gaudibert par Claude Monet, du 21 mars au printemps 2000. En outre, l’exposition inaugurale “Georges Braque, l’espace�? (21 mars-21 juin) bénéficie d’un soutien du ministère de la Culture. Palais Saint-Pierre, Lyon : les Bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin, du printemps 2000 à 2001. Musée des beaux-arts, Quimper : un Paul Gauguin de la période de Pont-Aven, pendant un an. Et l’exposition “Impressionnistes et néo-impressionnistes en Bretagne�? (27 juin-4 octobre) bénéficiera d’une aide de l’État. Musée Picasso, Antibes : l’exposition “L’art médecine�? (25 juin-10 octobre) recevra un soutien du ministère de la Culture.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°79 du 19 mars 1999, avec le titre suivant : Des mesures pour les musées de province

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